Les 5 principes de la Thérapie basée sur l’Analyse Fonctionnelle

 

 

Ce billet décrit les cinq principes de la FAP. Dans la littérature, vous les trouverez renseignés sous le vocable «Five Rules», les cinq règles. Cependant, le mot «règle» fait parfois frémir certains comportementalistes pour des raisons principalement théoriques car il se réfère, dans le jargon comportementaliste, à un processus plus pathologisant que fonctionnel.
Certains termes utilisés dans ce billet sont décrit plus abondemment dans d’autres articles. Nous en donnons ci-dessous une définition succincte :

 

  • Les Comportements Cliniquement Significatifs de type 1 (CCS1) : comportements problèmes selon le client.
  • CCS2 : améliorations des comportements.
  • CCS3 : interprétations fonctionnelles du comportement, c’est-à-dire en termes d’antécédents et conséquences.
  • Tact : expression Skinnérienne désignant un comportement verbal ayant comme fonction de décrire quelque chose (ex. définition, description).
  • Mand : expression Skinnérienne désignant un comportement verbal ayant comme fonction d’impliquer une réaction chez autrui (ex. demande, consigne, ordre).
  • Prompting : procédure permettant d’augmenter la probabilité de voir apparaitre un comportement cible. Il s’agit d’augmenter la force évocatrice d’un stimulus ou d’en utiliser un qui soit suffisamment fort par nature pour le client.
  • Saillance : force discriminante d’un stimulus. Les stimulus ayant une forte saillance seront très rapidement repérés par le client alors que ceux à faible saillance lui demanderont une maitrise plus fine de ses compétences de perception.
  • Contingences : antécédents et conséquences d’un comportement.

Principe 1 : Observer les CCS1 – Être conscient

Cette règle est l’essence même de la FAP. Son application peut mener rapidement à une relation thérapeutique intense. Détecter les CCS est la première étape du changement thérapeutique, il est donc important de les repérer rapidement pour y réagir promptement. Observer les CCS ne signifie pas se tenir à la topographie du comportement, mais développer une sensibilité aux fonctions des comportements. Cette sensibilité ne peut s’établir qu’en étant connecté soi-même ici et maintenant, en étant sensible aux éléments de la situation qui provoquent les CCS comme la structure de la séance, les caractéristiques du thérapeute (sexe, âge, ethnie, attractivité physique), les silences ou les pauses dans la conversation, les expressions ou affects du client, les retours positifs et les marques d’appréciation ou de soutiens du thérapeute, les vacances du thérapeute, les erreurs du thérapeute, les événements inhabituels (ex. voir le thérapeute avec son/sa partenaire en dehors de la thérapie), la fin de la thérapie.

Observer ses propres réactions aux comportements du client. Il est possible que ce que l’on ressente en tant que thérapeute soit ressenti aussi par d’autres personnes lors de leurs interactions avec le client en dehors de la séance.  Pour le savoir, le thérapeute FAP dit ce qu’il ressent au client, en lui demandant de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse que d’autres personnes ressentent ça aussi en dehors de la thérapie (par exemple, de l’ennui lorsque le client parle) ou si le ressenti du thérapeute est recherché par le client (ex. un mouvement de recul, d’éloignement = fuite de l’intimité ?). Cette façon de faire requière un effort constant pour comprendre ce qui évoque et maintient ces comportements chez le client en dehors de la séance.

Il est essentiel que le thérapeute soit engagé dans un travail personnel pour travailler les comportements qui évoquent les CCS1 (T1) et promouvoir ceux qui évoquent les CCS2 (T2). Le travail personnel permet aussi de s’assurer que les réactions négatives au client ne soient pas basées sur sa propre histoire personnelle. Se faire aider soi-même permet également de développer une empathie de la position de client basée sur l’expérience d’être ou d’avoir été «client» soi-même.

Le FIAT-Q de Callaghan (2006) est un outil d’évaluation permettant de survoler différentes classes de CCS 1 : (1) affirmation de ses besoins (identification et expression) ; (2) communication bi-directionnelle (impact et feedback) ; (3) conflit ; (4) Proximité interpersonnelle et dévoilement de soi ; (5) expression et expérience émotionnelles.

Suivre cette règle permet de détecter les messages cachés derrière le comportement verbal du client en étant sensible aux tacts, aux mands et aux mands déguisés en tacts. Pour ces derniers, Le thérapeute propose des interprétations de la fonction du comportement verbal en mettant à jour le tact derrière le mand (ex. « Lorsque vous me dites X, vous attendez de moi que je fasse Y ? »).

Principe 2 : Evoquer les CCS

Afin de pouvoir changer les CCS1, il faut les évoquer en séance. Leur évocation est le point de départ du développement des CCS2. Il y a différentes manières d’évoquer les CCS : (1) structurer l’environnement thérapeutique ; (2) employer des méthodes thérapeutiques évocatrices ; (3) s’utiliser soi-même comme outil de changement. En termes comportementaux, il s’agit de manipuler les Opérations Constituantes, mais aussi d’établir le thérapeute comme un renforçeur effectif des comportements du client.

Structurer l’environnement thérapeutique.

On peut décrit la méthode FAP par une lettre d’introduction, en précisant au client que ce que l’on va tenter de faire en thérapie est d’identifier les comportements problèmes du client dans sa vie quotidienne et comment ils interviennent pendant la séance au sein de la relation thérapeutique. D’expliquer que travailler sur les comportements lorsqu’ils se présentent est plus efficace pour essayer de les changer que de travailler sur les comportements qui se sont présentés pendant la semaine.

Cette lettre permet de créer un espace sacré de compréhension et de sécurité, une sorte d’espace d’entrainement relationnel où on apprend à entrer en relation avec une personne, sans que les erreurs ne soient sanctionnées.

Utiliser des méthodes thérapeutiques évocatrices.

Peu importe l’origine théorique de la technique, ce qui importe est sa fonction évocatrice pour le client. Dans ce contexte, on pourra utiliser les associations libres (ex. dire à haute voix, sans censure, ce qui passe par la tête) pour un client dont les comportements sous fortement sous le contrôle de l’approbation des autres. Si le contexte social de la thérapie ou de l’associations libres à haute voix est trop difficile, on peut proposer au client de le faire par écrit. Un autre exercice peut être de compléter une série de phrases, par écrit, de la main non dominante : écrire de la main non dominante est plus difficile, requière plus d’attention et est moins associé à la possibilité de développer un répertoire d’évitement que l’écriture avec la main dominante. L’exercice de la chaise vide issu de la Gestalt ; le Focusing issu de l’Approche Centrée sur la Personne ; Le parent sain et l’enfant intérieur issus de la Thérapie des Schémas et de l’Analyse Transactionnelle sont autant d’opportunités d’évoquer les CCS du client.

S’utiliser soi-même comme outil de changement.

Se permettre d’être soi-même, un être humain avec ses faiblesses, ses coups de blues, ses humeurs est très évocateur. Le client n’est pas en face de personnes strictement neutres dans sa vie de tous les jours. Utiliser et communiquer ses propres ressentis est l’occasion pour le thérapeute de proposer un modèle d’affirmation de soi respectueux et fonctionnelle.

Principe 3 : Renforcer naturellement les CCS2

Le renforcement est l’outil principal de changement thérapeutique. Il est important de l’utiliser adéquatement. Renforcer efficacement un client signifie utiliser les renforçeurs du client et ceux qu’ils trouvent ou pourrait trouver dans son environnement, afin de permettre une généralisation des CCS2 dans la vie de tous les jours du client.

Rencontrer les CCS1 est l’une des missions de la FAP. Rencontrer les CCS1 signifie les pointer lorsqu’ils se présentent et les mettre sous extinction. L’établissement préalable d’une relation thérapeutique forte est importante pour travailler les CCS1.

Les CCS2 sont des objectifs comportementaux directement issus des intérêts du client. Renforcer les CCS2 signifie être mu, en tant que thérapeute, par les intérêts fondamentaux du client et d’encourager chaque pas allant dans cette direction. Pour renforcer les CCS2, il est important, en tant que thérapeute, de les posséder dans son répertoire : il est très difficile, sinon impossible, d’enseigner avec finesse un comportement qu’on ne maitrise pas.

Le client possède un certain répertoire comportemental et il est important de partir de celui-ci. Il est contre productif d’attendre du client un comportement qu’il ne possède pas.

Amplifier ses propres sentiments en tant que thérapeute dans le but d’augmenter leur perception chez le client est utile pour les clients percevant difficilement les émotions chez autrui. Il s’agit en sorte d’un prompting émotionnel. Lorsque le client répondra «adéquatement» aux émotions du thérapeute, celui-ci pourra estomper la saillance de ses émotions.

Principe 4 : Observer et renforcer les effets des comportements du thérapeute en relation aux CCS du client

Cette règle souligne l’importance de porter attention au fait que les comportements du thérapeute représentent des contingences de renforcements pour les comportements du client. Porter attention aux comportements qui évoquent des CCS1 et CCS2 est fondamental. En portant attention à la fonction de ses comportements sur le client, le thérapeute peut maximiser l’impact de ceux-ci. Ce principe implique des stratégies explicites et implicites d’observation des contingences. Une stratégie explicite importante est de poser des questions sur ce que ressent le client en rapport à ce que le thérapeute vient de dire ou de faire.

Poser ce type de questions permet au thérapeute d’obtenir des clés concernant l’effet renforçant de ses comportements sur le client. Une question type est «Lorsque je vous répond de cette manière, comment vous sentez vous ?» ou encore «pensez vous que la façon dont je viens de vous répondre va vous encourager à refaire ce que vous venez de faire ou pas ?».

Il est important de ne pas rompre l’intensité des instants interpersonnels créés par les différentes interventions en se précipitant dans ce type de questions afin de soigner la relation thérapeutique.

L’observation, sans questionner explicitement, est également intéressant, en particuliers lorsque les comportements ouverts du client sont explicites (ex. se mettre en colère, pleurer, sourire).

Principe 5 : proposer des interprétations concernant les contingences de renforcement des comportements etmettre en place des stratégies de généralisations

Les clients parlent en séance. Les thérapeutes aussi. Au delà de ce constat à deux sous, il est intéressant de centrer ces échanges autour de ce qui génère les CCS (les antécédents) et de ce qui les maintient, les augmente ou les diminue pour que les échanges soient fonctionnels, c’est-à-dire aident le client dans sa problématique.

Faire des liens entre ce qui se passe en séance et dans la vie du client et inversement, entre ce qui se passe dans la vie du client et en séance favorisent la généralisation en établissant une relation de coordination entre les deux contextes.

Assigner des tâches en lien avec les CCS2 qui se sont manifestés pendant la séance est un très bon exercice ayant comme objectif la généralisation du comportement.

Egide Altenloh
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