Le cododo, une pratique à placer au cœur de l’intérêt de l’enfant

Alors que le cododo est une pratique de plus en plus commune chez nous, une psychologue pour enfant et adolescent questionne les parents sur l’intérêt de l’enfant par rapport à ce mouvement qui nous vient d’Outre Atlantique.

Les psychologues, psychothérapeutes et logopèdes, rencontrent de plus en plus de parents qui, inquiets pour leurs enfants, consultent : retard de langage, hyperactivité, troubles de l’attention, troubles du sommeil, ou simplement un constat « il est infernal, je ne sais plus quoi faire ! ». Les raisons de consultation sont multiples. Un point commun fréquent ? Ces enfants ont 3, 4, 5 ou 6 ans, parfois plus, et dorment dans le lit de leurs parents selon une pratique ancestrale de Chine ou d’ailleurs, et remise au goût du jour plus récemment par les Américains. Ils appellent cela le Family-bed ou co-sleeping, en français on parle de « cododo ».
Un choix ou un non-choix des parents
Quand nous rencontrons ces parents en consultation, il apparaît rapidement qu’ils résistent à se questionner sur le cododo : selon eux les troubles que leurs enfants présentent n’ont rien à voir avec le fait que l’on dorme avec lui/elle. Convaincus par les bienfaits du cododo, certains vont jusqu’à mentir, ou ne pas évoquer le sujet pour inviter le psy à chercher la cause du problème de leur enfant ailleurs. Et parfois, ils ont raison. Bien sûr, aucun parent n’aime remettre en question un choix d’éducation, car cela les renvoie à ce petit doute qui subsiste, cette « peur de mal faire » que chacun a quelque part au fond de soi quand il fait différemment de ce qui est communément établi. Pourtant, ce choix est le fruit d’une réflexion, certains parents l’ont posé en s’informant, parfois beaucoup, et en se posant nombre de questions, mais se sont-ils posés les bonnes questions ?
Il est évident pour nous, que d’autres parents, tout aussi bien intentionnés, ont fait un « non » choix. Le cododo s’est installé par hasard: un jour l’enfant s’est glissé dans le lit de ses parents au détour d’un cauchemar, y a trouvé réconfort et sécurité, et n’a plus quitté le lit parental depuis. Ou bien, cela s’est fait sur l’invitation implicite voire explicite d’un des deux parents, parfois chez les couples, mais aussi souvent chez le parent isolé, selon ce constat : on est mieux ensemble que seul. Parfois encore, c’est une réaction à l’éducation pénible que le parent lui-même a reçue, il se souvient de ses angoisses personnelles nocturnes et solitaires, il y réagit à l’inverse pour ses propres enfants. Chez certains parents encore, cela s’est fait tout seul, à défaut d’un refus : une fois que l’enfant est dans le lit, on n’y voit pas le « mal », tout le monde y trouve son plaisir, le sommeil n’est pas spécialement perturbé, parfois même meilleur, alors on se demande « pourquoi pas ? », mais on oublie de se demander « pour quoi ? ».
Pourquoi dormir avec son enfant, ou plutôt « pour aller vers quoi» ?
Or, de plus en plus, il nous semble que la question à se poser est celle-là : « pour quoi ? ». Pourquoi dormir avec son enfant ? Cela répond à quel besoin ? À quel désir ? À quelles attentes ? Quelle est l’intention réelle du / des parent(s) lorsqu’il partage sa / leur couche ? Par quel intérêt profond le parent est-il mû ?
Ce n’est pas que nous imaginons de mauvaises intentions, mais nous nous questionnons sur l’intention de fond qui motive le parent. S’il n’y en a pas ? Alors cela pose également question !
Les parents concernés sont ô combien proches de leurs enfants, parfois même très concernés et impliqués dans l’éducation de ceux-ci. Certains se renseignent et suivent des mouvements en vogue, des émissions, des livres, des témoignages qui les renseignent et les guident. Un petit tour sur Internet nous permet de rencontrer rapidement les arguments de la promotion du cododo.
La pratique nous (re)vient donc d’outre-Atlantique, et est défendue ardemment par les mouvements en faveur de l’allaitement maternel. Le mouvement spécifique du family-bed a fait son apparition dans les années 70 et a explosé suite à la parution de “The Family Bed” en 1978, le livre de Thine Thevenin, ancienne animatrice de la Leache League.
L’approche initiale du cododo est argumentée par la facilité, la rapidité, et la simplicité pour l’allaitement maternel, un peu comme si le prix d’un bon, et long allaitement maternel était le « faible » coût du partage du lit conjugal. Pour les mamans qui se levaient 3-4 fois par nuit pour leurs bébés affamés, le bénéfice d’une moindre fatigue est non négligeable. Avec ce mouvement, les mères y voient comme une « autorisation officielle » de faire entrer l’enfant, justement demandeur, dans cet espace intime qui appartient aux parents.
Les premiers arguments en faveur du cododo sont donc la praticité, et la simplicité pour la mère qui veut allaiter son enfant. Des arguments très percutants dans la société occidentale où les mères sont particulièrement sollicitées à différents plans, et pour qui les minutes de sommeil sont comptées.
Les autres arguments de la Leache League prônent le retour aux sources, la naturalité, le rapport mère-enfant primal tels qu’il subsiste encore dans certaines cultures. Des arguments qui séduisent particulièrement les amoureux de notre planète respectueux de sa diversité.
Le cododo, une pratique installée dans certaines cultures
Dans certaines cultures, le cododo n’est pas un choix mais une évidence. Au Congo par exemple, il est communément admis que les enfants dorment avec leurs parents jusqu’à environ 2-3 ans. La raison fondamentale de cette pratique ? La protection et la sécurité de l’enfant.
Ce n’est pas tellement l’enfant qui a peur de se retrouver seul, c’est surtout le parent qui a peur de le laisser seul dans une autre pièce. Il craint d’ailleurs moins pour la qualité du sommeil de son enfant, que pour sa santé, et pour sa vie. Un serpent ou un insecte venimeux, un tremblement de terre, un attentat…, sont autant de risques qui alimentent ce désir de protection des parents, et la nécessité d’agir en conséquence.
Cependant, le parent n’attendra pas que l’enfant demande à quitter le lit des parents. Non, ceux-ci gardent à l’esprit leur rôle, et donc la nécessité pour l’enfant de s’autonomiser. Le parent sera attentif aux premiers signes d’autonomie de l’enfant : la fin de la pousse des dents, la marche, et enfin l’accès à la parole. C’est donc quand l’enfant est capable de réagir ou de verbaliser un danger, qu’ils vont le pousser doucement hors du lit, jusqu’à ce que l’enfant reconnaisse en soi ce stade de maturité et qu’il accepte de gagner sa chambre, là où il rejoindra ses éventuels frères et sœurs.
La dynamique ancestrale Africaine est donc très différente de celle, beaucoup plus récente des Américains qui eux, préconisent d’attendre que l’enfant, à l’instar de l’enfant roi, revendique un lit pour lui seul, et avec fierté se percevra alors comme devenu grand.
Si dans ces deux modèles de co-dodo il est question d’accès à la maturité de l’enfant, dans l’application du modèle américain, le danger qui constitue la raison d’être du modèle africain est inexistant.
Quoi de plus naturel que cette proximité à laquelle chaque parent et chaque enfant aspirent ?
Si on retient le bienfondé de la pratique africaine, on réalise à quel point le cododo est une réponse instinctive adéquate. Quoi de plus naturel que cette proximité sécurisante à laquelle chaque parent et chaque enfant aspirent ?
Indépendamment de l’environnement et du contexte culturel, cet argument de sécurité est repris par les co-sleepers d’outre-Atlantique. Toute mère désireuse d’être authentiquement proche de son enfant se sent immédiatement conquise par ces derniers arguments.
Si quelques mamans hésitaient encore, craignant peut-être que le mouvement soit plus hippie que fondé, elles se voient rassurer lorsqu’elles entendent l’avis d’un éminent psychiatre David Servan Shreiber : « Le nouveau-né est un être complètement désemparé, mais dont les besoins biologiques s’expriment haut et fort: notamment celui d’être sécurisé par la présence d’un adulte protecteur. Dans les sociétés modernes, la nuit, cette double demande du nourrisson s’oppose directement au besoin de sommeil – biologique, lui aussi – des parents. Depuis l’avènement des mammifères sur Terre, il y a cent millions d’années, et jusqu’au XIXe siècle, ce conflit n’avait pas de raison d’être. En effet, il est automatiquement résolu lorsque la mère allaite son enfant et le garde près d’elle pendant qu’elle dort. Et, de fait, les parents qui gardent leur nouveau-né à proximité – dans leur lit ou dans un lit de bébé près du leur – sont plus satisfaits de leur sommeil que ceux qui ont choisi de le faire dormir dans une chambre séparée. De leur côté, les enfants pleurent moins et s’endorment plus facilement ».
Le cododo est donc bien plus qu’une conséquence pratique : les parents le considèrent comme un choix éducatif, un mode de vie indépendamment de l’allaitement. Ces derniers y voient une source naturelle de plaisir, de réconfort, mais surtout, et à l’instar de David Servan Shreiber : de sécurité pour l’enfant. Ils sont en outre soutenus par des études qui démontrent clairement une diminution du stress du bébé, un rythme cardiaque et respiratoire plus stable, mais aussi la possibilité pour la mère d’intervenir plus rapidement, et de diminuer ainsi le risque de mort subite du nourrisson.
Boris Cyrulnik, autre éminent psychiatre français et adepte du cosleeping, souligne quant à lui: « le corps à corps ­sécurise l’enfant. Il l’aide à se construire, même durant le sommeil. Très vite, l’enfant qui pleure, et qu’on laisse pleurer apprendra à se taire. Mais ce n’est pas parce qu’il trouve en lui les ressources pour affronter son angoisse : il se tait parce qu’il sait qu’on ne répondra pas à ses cris. »
La mise en garde des psychanalystes
Cependant si les propos de ces grands auteurs s’avèrent particulièrement fondés pour les nouveau-nés, faut-il aller jusqu’à adopter la position américaine qui consiste à attendre que l’enfant, généralement vers 6 ans et parfois plus tôt, réclame lui-même son indépendance ? Rien n’est moins sûr. Si le cododo est particulièrement bienvenu, doux et sécurisant pour le nourrisson, il pourrait également constituer une source d’angoisse pour les enfants plus âgés.
Claude Halmos, psychanalyste et psycho-thérapeute enfant, est claire à ce sujet : « (…) tous, enfants et adultes, disent de quel prix d’angoisse se paye toujours ce type de « promiscuité familiale ». Ces angoisses, certains adultes se souviennent de les avoir clairement ressenties (…) Chez les enfants, la non-différenciation des corps, des places et des lieux n’attend pas toujours l’adolescence ou l’âge adulte pour produire son lot de souffrances. Elle provoque, dès le plus jeune âge, des retards et des problèmes de comportement que l’on peut clairement lui attribuer puisqu’ils cessent quand les parents remettent les choses en place ».
Elle souligne également les problèmes que cela engendre pour l’enfant à différents niveaux : « Au niveau de leur développement sexuel : l’enfant, dans le lit de ses parents, n’a pas l’intimité dont il a besoin pour ses propres pratiques sexuelles, masturbatoires. Il y est soumis à une inflation de sensations. Son cheminement personnel va donc se trouver modifié  » de l’extérieur « . La violence des sensations érotiques induites par les adultes est parfois telle qu’elle perturbe la conscience qu’a l’enfant des limites de son corps. On en retrouve la trace dans nombre de troubles qui touchent au corps : boulimie, anorexie, etc. Enfin, la promiscuité associe toujours plaisir et culpabilité. Car les personnes (parents ou frères et sœurs) avec qui le plaisir est, de fait, partagé sont des personnes « interdites » ».
Claude Halmos témoigne enfin de ses inquiétudes au niveau de leur développement général : « Grandir implique en effet : de savoir qui l’on est, de « s’individualiser « . Or trop de « corps à corps » avec les adultes empêchent l’enfant d’acquérir une conscience claire de sa personne : « Moi, c’est moi et toi, c’est toi ». De savoir quelle est sa place. Le family-bed mélange les places, les générations et fait peu de cas de l’interdit de l’inceste. De savoir qu’il y a un avenir où l’on pourra faire « comme les grands ». Si tout est possible quand on est petit, pourquoi grandir ? Tout cela est d’autant plus grave que, par le biais du family-bed, les enfants sont faits otages de la sexualité de leurs parents, ils y participent. Soit parce que des relations sexuelles ont lieu dans le lit, quand ils dorment. Soit parce que la présence des enfants est, pour les parents, un alibi pour se passer d’une sexualité devenue insatisfaisante. Soit parce que les parents faisant fonctionner l’enfant comme  » celui dont il faut se cacher « , attendent de l’avoir installé dans leur lit pour aller vivre leur sexualité dans une autre pièce. L’enfant fait alors clairement partie du scénario érotique de ses parents. Certains parents ne s’en cachent d’ailleurs pas. Annonçant le family-bed comme un « renouvellement érotique ». Idée qui laisse rêveur si l’on se rappelle que les jeux sexuels des enfants se font en général en cachette de leurs parents… ».
Quant à Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste consacrée aux enfants, elle nous mettait également en garde : « Combien d’enfants ont été freinés dans leur développement par ces câlins, par le charme de la volupté et de la tendresse partagée en silence, par ce corps à corps voluptueux. On les retrouve ensuite avec des retards considérables de langage, de psychomotricité et de l’affectivité. »
La question du pour ou contre le cododo ne tient pas compte de l’individualité de l’enfant
Notre propos n’est pas de savoir le vrai du faux, de se positionner une fois pour toutes POUR ou CONTRE le cododo, ni d’appuyer l’un ou l’autre de ces auteurs qui énoncent chacun des idées pertinentes. Se positionner de la sorte aurait peu de sens à nos yeux, car cela ne tient nullement compte de l’individualité de l’enfant, et de la spécificité de la situation. Ce serait un peu comme si on débattait d’un « pour ou contre l’acquisition d’une autre langue pour les enfants en bas âge ? » La réponse doit être nuancée et dépend de différents facteurs, dont l’intérêt de l’enfant : ses besoins, ses capacités et bien sûr son environnement. Et, si le bien-fondé du cododo est établi, encore faut-il, une fois le processus engagé, en valider la concrétisation auprès des personnes concernées.
Bien sûr, le cododo offre des avantages et peut, dans certains cas, s’avérer excellent voir indispensable pour le bon développement affectif et psychomoteur de l’enfant. Nous pensons plus spécifiquement aux nourrissons, et aux bébés prématurés, qui trop tôt soumis aux agressions externes, se retrouvent privés de la sécurité primordiale que la matrice offre à l’enfant. Il est dès lors évident, et prouvé pour ces enfants que le « peau à peau » (avec papa ou avec maman) ne peut que les aider à progressivement intégrer leur nouvelle réalité. C’est le cas également de certains enfants qui, confrontés à des traumas particuliers ont besoin, momentanément, de retrouver cette sécurité perdue.
Si le cododo s’avère une bonne technique d’apaisement ou de retour à cette sécurité source, pourquoi le pratiquer si l’enfant est naturellement paisible, et qu’il ne manifeste aucune forme d’angoisse lorsqu’il est posé dans son couffin ? Pourquoi donner une béquille à une jambe saine ? Et quelles conséquences cela peut-il produire pour l’enfant de le faire quand même ? Comment les parents peuvent-ils être certains que cela va contribuer au bien-être de l’enfant ?
Avant de l’adopter, questionner l’intention profonde
En adoptant le cododo, il nous semble donc indispensable de questionner l’intention profonde des parents. S’agit-il d’une réponse à un besoin de l’enfant ? S’agit-il pour eux d’être des parents parfaits en adoptant un prosélytisme en vogue, mais en restant aveugles aux besoins réels de leur propre enfant, petit être individuel et unique ? S’agit-il enfin, d’une réponse à l’angoisse personnelle du parent (et non de l’enfant) qu’il est incapable de gérer ; dans quelle position place-t-il alors l’enfant ?
Combien de parents adoptent-ils, plus ou moins consciemment, le cododo en réponse à une sexualité devenue complexe suite à la naissance de leur enfant ? Nous pensons à la diminution, voire la perte de libido chez la femme, nous pensons à la difficulté de la reconquête pour l’homme souvent confronté aux « non, pas aujourd’hui » ou aux « non, pas comme-çà » de leur conjointe, nous pensons à toutes ces difficultés auxquelles les couples sont confrontés lorsqu’il est question de se retrouver ensemble, non pas en tant que parents, mais en tant qu’homme et femme sexués dans une dualité à réinvestir. Et, il faut bien l’admettre oui, le cododo donne une réponse partielle à ce problème : la présence de l’enfant dans le lit conjugal invite les parents à découvrir une nouvelle sexualité, plus originale, plus créative puisque hors du lit traditionnel, et cela réjouit certains parents qui y voient une raison de plus de maintenir le cododo.
D’autres couples y voient surtout une bonne raison de garder une distance sexuelle confortable entre eux, argumentant qu’ils ne vont tout de même pas faire l’amour avec le petit qui dort juste à côté d’eux ! Le temps passe, ils perdent le contact physique, et ce rapprochement nécessaire des deux parents ne se fait pas, ou trop partiellement. Bien plus tard, l’un d’eux sera entendu par un psychologue et, désormais séparé de l’autre parent, l’accusera d’avoir mis l’enfant dans le lit conjugal, là entre eux, empêchant tout rapprochement, éteignant progressivement le peu qu’il restait de libido. Quel rôle a donc joué cet enfant ?
Les premiers qui retrouvent leur sexualité comme les autres qui la perdent, ont-ils conscience derrière leurs convictions des vertus du cododo, d’instrumentaliser en fait leur enfant ? Sont-ils conscients du rôle qu’ils font jouer à leur enfant pour tenter de régler leur problème personnel de couple ?
Le parent est une personne de référence pour l’enfant. Il apprend à partir des modèles parentaux, et se structure psychiquement à leur contact. C’est pourquoi il est du devoir du parent d’agir, et de poser ses choix en pleine conscience dans l’intérêt de son enfant, et non en réponse à un mouvement de maternage bien en vogue, ou en réponse à un problème qui leur appartient, problème plus ou moins conscient mais certainement non résolu.
Se poser des questions simples
Nous le disions plus haut : il n’y a pas de « non » à formuler au cododo, tout comme il n’y a pas de « oui ». Comme à chaque comportement envers son enfant, nous invitons le parent à se poser des questions simples :
  • qu’est-ce que je lui apporte en faisant cela ? quel genre de parent suis-je si je propose cela ?
  • est-ce une réponse à mon confort, à mon intérêt, ou au sien ? Est-ce que je le fais pour le bénéfice immédiat que cela nous/ m’apporte ?
  • suis-je conscient(e) des conséquences à long terme pour lui, et pour nous, en tant que parents ?
  • si je laisse le choix à mon enfant de nous rejoindre au lit, ou d’aller dans sa chambre, devant quel genre choix cornélien est-il placé ? Dans quelle mesure est-ce que je ne le place pas dans un conflit de loyauté ?
  • en tenant compte de la personnalité et des capacités de mon enfant, est-il capable de gérer ce choix ?
  • dans quelle mesure ne suis-je pas en train de déléguer un choix que je n’arrive pas à faire moi-même ? Est-ce alors à mon enfant de le porter ?
Pour des raisons différentes, il est des cas où l’enfant ne pose jamais ce choix de l’acquisition de son propre lit. Certains restent dans le lit désormais familial pour leurs parents, refusant de les « abandonner », d’autres pour éviter de se retrouver seul, face à un processus d’endormissement solitaire qui les effraie, d’autres encore parce qu’ils apprécient cette chaleur physique, parfois sensuelle que la proximité des corps lui prodigue, et qu’il en devient dépendant, un peu comme si son doudou était un être vivant puisqu’humain… Mais si l’enfant ne pose pas ce choix, qui le posera, et surtout : quand ? Les parents ne peuvent oublier que l’enfant est en développement, vont-ils attendre que l’enfant ait des « pollutions » nocturnes, ou que dans l’effroi de sa première érection matinale il se culpabilise parce qu’il était collé à sa mère ? Vont-ils attendre une moquerie de leurs pairs ? Ces cas ne sont pas fictifs, et ces enfants sont en souffrance.
Et, si les parents décident de pratiquer le cododo, le bon sens ne serait-il pas d’observer l’enfant, ce petit bout d’homme en évolution, et des effets du cododo sur lui ? Quelques semaines de cododo sont passées, le cododo est-il encore bon pour lui ? Sous prétexte qu’il vient dans le lit volontiers, et qu’il ne dit pas non, cela voudrait dire que c’est structurant pour lui ? Gardons en tête que l’enfant réagit davantage à ses désirs, immédiatement accessibles par ses sens, qu’à son intérêt, fruit d’un processus cognitif complexe d’anticipation : cet intérêt est trop abstrait, et imperceptible pour lui. C’est le rôle du parent d’orienter son enfant en vertu de l’intérêt de cet enfant.
Le cododo un choix à faire en pleine conscience
Le cododo selon nous doit donc être pratiqué en pleine conscience, et ne pas constituer un choix définitif. Il devrait même être questionné chaque soir.
L’enfant évolue, ses besoins d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. La fusion corporelle est nourricière pour le nourrisson fatigué des stimulations extérieures, mais elle risque de stigmatiser l’enfant dans une dépendance et un manque d’individuation corporelle.
Ce choix devrait donc être questionné :
  • sur sa pertinence en tant que réponse à un problème : si aujourd’hui l’enfant a peur de la nuit hivernale et obscure, alors est-ce qu’un câlin sécurisant, une veilleuse, un doudou, une peluche, quelques mots choisis ne peuvent-ils pas accompagner l’enfant efficacement dans sa difficulté ? Si l’enfant a peur que des monstres soient sous son lit, ne peut-on accompagner l’enfant dans son angoisse ? En lui racontant une histoire adéquate, ou en l’aidant à agir contre l’intrusion de ces « monstres », en jouant à bloquer l’accès du dessous de lit par exemple ?
  • sur son caractère systémique: s’il s’agit d’une réponse à un problème individuel, par exemple l’endormissement de l’enfant, il faudra bien veiller à ce que cette solution ne constitue pas elle-même un problème à l’échelle familiale. La sexualité du couple ? La proximité parentale ? Certains parents « contre », mais incapable de dire non se retrouvent dans le canapé ! La place du cododo par rapport à la fratrie… en fait toutes répercussions du cododo sur l’organisation familiale mérite d’être questionner.
  • sur le bénéfice secondaire : le choix du cododo ne masque-t-il pas autre chose de moins avouable ? Une difficulté à se rapprocher de son conjoint, un constat de perte d’amour, une incapacité à se positionner en tant que parents et à résister aux demandes de l’enfant ? Et dès lors, serait-il juste et sain de placer l’enfant au cœur de ce marasme relationnel ?
L’intention positive ne suffit pas
Quoiqu’il en soit, dans cette aventure, l’intention positive ne suffit pas. Encore faut-il être conscient des actes que le parent pose, de ceux qu’il évite de poser, et de ceux qu’il ne parvient pas à poser. Dans ce domaine, rien n’est franchement « bon », ou franchement « mauvais », mais chaque acte, chaque choix pour l’enfant a des conséquences.Et, dans tous les cas, il s’agira au père et à la mère de continuer à agir en tant que parent. C’est-à-dire de veiller à agir selon l’intérêt de l’enfant, son bien-être, son évolution, et non uniquement en fonction de ses désirs. Car si le désir de l’enfant est directement perceptible pour lui grâce à ses sens, l’enfant ne perçoit que très tardivement son intérêt. Tel est le rôle de l’éducation ; orienter l’enfant dans son intérêt en lui apprenant à satisfaire, à canaliser, ou à se passer de certains de ses désirs.
Magali Nguyen
Psychologue et psychothérapeute enfants, ado, adultes –
Coach à la parentalité – Psychologue pour les tribunaux