Co-écrit par Gilles Favro & Egide Altenloh
Après que Prométhée eut dérobé le feu aux Dieux pour en faire présent aux hommes, Zeus décida de se venger. Avec l’aide d’Athéna et d’Aphrodite, il donna la vie à Pandore, une femme d’une très grande beauté, destinée à éveiller le trouble et le désir dans le cœur des hommes. Zeus donna la main de Pandore à Épiméthée, frère de Prométhée, et leur offrit en cadeau de noces une jarre scellée ; tout en ordonnant à Pandore de ne jamais l’ouvrir. Ne pouvant résister à la curiosité de connaître ce que contenait la jarre, Pandore l’ouvrit, libérant sur le monde tous les maux de l’humanité, dont les hommes avaient été préservés jusque là. Pandore referma la jarre, mais bien trop tard. Seule l’espérance devait y rester enfermée. C’est elle qui devait donner aux hommes la force et le courage de surmonter les épreuves de la vie.
Depuis l’aube des temps, l’espoir est reconnu comme le dernier rempart de l’homme face au monde. De la religion à la méthode Coué, les humains n’ont eu de cesse de trouver des moyens de garder espoir en un lendemain meilleur.
Revenir à la racine des mots en dit souvent long sur leur sens profond.
L’espoir est formé à partir du verbe latin « sperare », le verbe espérer consiste à attendre avec confiance la réalisation d’un acte ou d’un événement. Sa racine latine fait référence à la notion d’attente ; attendre quelque chose ou quelqu’un. Le mot espoir désigne le sentiment d’espérer.
Les chercheurs en psychologie se sont également intéressés à la notion d’espoir. Ces recherches ont fait l’objet de nombreuses publications scientifiques, la plupart en langue anglaise.
Plusieurs de ces publications en donnent une définition opérationnelle.
L’espoir est essentiel à la vie affective. C’est un sentiment exaltant que les êtres humains peuvent éprouver lorsqu’il existe une possibilité de croire en un avenir meilleur (Groopman , 2004). Parfois infime, cette possibilité existe toujours. Sans cet espoir certes minime, voir irrationnel, de nombreuses personnes autour de vous, des proches, votre conjoint ou votre partenaire, vous-même probablement, ne seraient plus de ce monde.
L’espoir est une force vitale dynamique et multidimensionnelle qui se caractérise par une attente à la fois confiante et incertaine d’atteindre un bien futur ; pour la personne qui espère, l’atteinte de ce bien demeure dans la réalité́ du possible et est également significative pour elle (Oufault & Martocchio, 1985).
L’espoir est une anticipation positive du futur, basée sur la mutualité́ des relations avec les autres, sur un sentiment de compétence personnelle, sur des habiletés d’adaptation, sur un bien-être psychologique, sur un sens à la vie ainsi que sur un sens du possible; la personne qui espère s’attend à faire l’expérience de conséquences positives (Miller & Powers, cités dans Hobfoll, Briggs-Phillips & Stines, 2003).
L’espoir est un état subjectif qui peut influencer des réalités à venir (Farran, Herth & Popovich, 1995). Aussi, l’espoir peut-être considéré comme un facteur commun du changement psychologique.
Enfin, pour Snyder ( 1994) , l’espoir est un processus cognitif qui peut se définir comme étant la somme de la volonté et des moyens qu’un individu possède pour atteindre ses buts.
Snyder et la théorie de L’espoir (1994)
Selon la théorie de Snyder, l’espoir ne pourrait naître sans la volonté d’atteindre un but et les moyens pour y parvenir. Ceci implique pour l’individu de :
conceptualiser clairement ses buts ;
développer des stratégies spécifiques pour les atteindre ;
initier et soutenir la motivation pour utiliser ces stratégies (Lopez et al. , cités par Linley et Joseph, 2004).
La qualité́ de vie d’un individu dépend non seulement de la réalisation d’objectifs personnels, mais surtout de la congruence entre ses buts et ses besoins psychologiques fondamentaux, de la cohérence entre ses buts et ses standards personnels (La Guardia et Ryan, 2000; Oishi, Diener, Suh et Lucas, 1999; Sheldon, 2001) et de la façon dont il s’engage dans la poursuite de ses buts (Omodei et Wearing, 1990).
Un but supportant le sentiment d’espoir a les caractéristiques suivantes :
- but à long ou à court terme ;
- but simple ou complexe ;
- but formulé d’une manière spécifique ;
- but atteignable, tout en conservant un certain degré d’incertitude ;
- but établi de manière réaliste ;
- but pouvant être divisé en plusieurs étapes intermédiaires ;
- but clairement défini pour justifier le maintien de pensées conscientes orientées vers sa réalisation.
Dans une telle perspective, la personne perçoit qu’elle possède (ou pas) la volonté, les ressources et les moyens pour atteindre le but défini et surmonter les obstacles qui pourraient surgir.
La volonté implique une force psychique qui mobilise les ressources de l’individu pour agir en direction du but qu’il s’est fixé. Sans une intention et un engagement au service d’un but précis affermi par une volonté pleine et entière, il n’y a pas d’espoir possible.
La volonté renvoie à la confiance et à la détermination que l’individu déploie pour atteindre un résultat espéré.
Qu’est-ce que je veux ?
Conceptualiser clairement un but n’est pas chose aisée. Voici une petite expérience permettant, autant que cela puisse être possible dans un article de ce type, de vous aider à être au clair avec ce que vous voulez.
Installez-vous au calme, comptez au moins une bonne heure devant vous, même si l’expérience en soi ne peut durer qu’une vingtaine de minutes. Autant prévoir large.
L’expérience se déroule comme suit et nous vous conseillons de lire une première fois les différentes étapes avec de le pratiquer.
1 – Fermez les yeux
2 – Détendez-vous, pratiquez un exercice de relaxation ou encore portez doucement attention au flux de votre respiration.
3 – Lorsque vous êtes détendu, calme, tout au moins autant que vous puissiez l’être en ce moment, invitez la question suivante à tourner dans votre esprit. Le but du jeu est de ne surtout pas tenter de répondre à cette question. Si des réponses émergent, c’est normal, mais revenez encore et encore à la question. Laissez votre corps produire ses réponses sans jugement de la qualité de celles-ci. Toutes les réponses, même les plus folles sont les bienvenues. Voici la question :
“Qu’est-ce que je veux dans ma vie ?”
“Qu’est-ce que je veux vraiment dans ma vie ?”
“Qu’est-ce que je veux vraiment vraiment dans ma vie ?”
4 – Au bout d’un certain temps, un sentiment général émerge, un sentiment relativement clair, pouvant ou non se symboliser par des mots. Si des mots ou des phrases se forment en cohérence avec ce sentiment, vous avez votre but. Si ce n’est pas le cas, alors d’autres pistes de symbolisation, non verbales cette fois-ci, peuvent être explorée.
Mon but est-il une option de vie ?
Il est fort probable que si vous êtes au fond du trou, la seule option qui vous vient à l’esprit est un des éléments se rapprochant de la liste suivante :
je voudrais que ça s’arrête
je voudrais être au calme
je voudrais ne plus ressentir ça
…
Ces buts, naturels quand on est au prise avec des sentiments douloureux, ne sont malheureusement pas des buts créateurs d’espoir à long-terme. Ce ne sont pas des buts de vie mais des buts d’arrêt de la souffrance. Si vous tombez sur ce type de buts, ne vous culpabilisez pas, c’est normal. Revenez encore quelques fois sur l’exercice et à un moment, un objectif de création, de vie, de vitalité apparaîtra. Une façon de l’évoquer plus rapidement est de faire cet exercice en considérant que vous êtes après l’arrêt de la souffrance. Imaginez que vous avez retrouvé l’énergie, la motivation, la joie. Que voudriez-vous dans votre vie ? Qu’est-ce qui amène cette joie ?
Joie et apaisement sont souvent confondus à cette étape, ce qui est naturel mais pas très utile pour déterminer un but sain et créateur de sens. Si votre esprit est également tombé dans ce piège (et il y a de fortes chances que cela se produise) Alors imaginez un monde où vous seriez déjà apaisé. Resterez-vous dans votre fauteuil à attendre la fin ou bien construirez-vous une vie qui a du sens ? Qu’est-ce qui mettrait alors du sens dans votre vie ?
Les moyens
Une fois que le but a été défini et formalisé, se pose la question, de la manière (comment ?) et des moyens (avec quoi ? / avec qui ?) à mettre en œuvre pour l’atteindre.
Pour pouvoir atteindre un but et s’affranchir des obstacles qu’il pourra rencontrer, l’individu doit pouvoir imaginer les alternatives d’actions possibles à l’atteinte de son but.
Rappelez-vous ce moment où un proche ou vous-même avez perdu espoir. C’était une question de moyens. On ne voit pas comment y arriver. Ce but est important pour nous et nous le voyons s’éloigner progressivement sans aucun moyen de le rattrapper.
Puis une idée, une suggestion ou une lecture fait la différence.
“Oui, je peux y arriver.”
L’espoir renaît, la vie retrouve sa saveur perdue.
L’espoir : une façon de penser.
L’Echelle d’espoir de Snyder, Sympson, Ybasco, et Borders (1996) évalue deux dimensions : la croyance de la personne en sa capacité́ à réaliser ses projets ainsi que son habileté́ à identifier une variété́ de moyens pour les atteindre.
La capacité de l’individu à penser son action et à identifier les alternatives possibles afin de progresser en direction du but choisi est déterminante. Ce processus de pensée peut être selon le mode de pensée et l’état d’esprit un frein ou un levier.
Freins possibles
- la personne anticipe les obstacles qui pourraient se présenter dans la réalisation de son but, sans passer à l’action ;
- la personne cherche à mesurer le chemin parcouru en direction du but et se décourage avant d’avoir suffisamment déployé d’énergie pour permettre sa réalisation ;
- la personne renonce devant les obstacles en déployant des attributions causales (Seligman, 1991 ) qui justifient son renoncement ;
Leviers possibles
- la personne a le sentiment d’acquérir de nouvelles habiletés ou de maitriser de nouvelles tâches; ce qui la stimule à développer ses compétences ( Dweck, 1985) ;
- la personne a la capacité de s’appuyer sur des réussites passées, pour trouver la motivation nécessaire à la réalisation de son but ;
- la personne à la capacité de déployer des attributions causales facilitant l’atteinte de son but ;
- la personne a la capacité d’apprécier le processus de d’avancer en direction du but sans se concentrer uniquement sur la réalisation du but ;
- la personne est capable de trouver un but de substitution si ce dernier lui échappe ;
Comment diminuer les freins ?
Anticiper c’est bien. S’adapter c’est mieux.
Voici un motto qui peut vous aider à ne pas trop vous fier à vos anticipations. Rappelez-vous que la vie est jouette et qu’elle mettra sur votre chemin un obstacle, de toute façon, et que cet obstacle sera fort probablement inattendu, particulièrement improbable, mais bien réel. Votre meilleure chance de réaliser vos objectifs n’est pas de prévoir tous les obstacles, mais de prévoir quelques plans de rechanges et de miser principalement sur votre capacité à vous adapter à l’improbable.
Regarder le chemin immédiat, là où se pose mes pieds et non le sommet de la montagne.
Notre esprit est un mauvais calculateur d’effort. Ce n’est pas son truc d’évaluer l’énergie physique à dépenser pour réaliser une tâche. Lorsque vous regardez le sommet de la montagne, il va évaluer le chemin à parcourir et l’effort à déployer pour y arriver. Qu’il tombe juste ou non, le problème est qu’il va simuler ce que cela ferait de perdre une telle quantité d’énergie … d’un coup. Or, l’énergie nécessaire à la réalisation de toute tâche, de la plus simple à la plus complexe, est distribuée dans le temps et non nécessaire en une seule prise.
Oui mais non …
Si on cherche un peu, il y a autant de raisons de ne pas réaliser une tâche, aussi importante soit-elle, que de la réaliser. Notre esprit est un outil de survie très puissant et face à une tâche importante, en qualité comme en effort demandé, il va vouloir nous protéger … malgré nous. Pourquoi ? Car c’est risqué de réaliser des choses importantes : si ça rate, on va mal le vivre, et comme on n’a aucun moyen de prédire un succès à 100 %, le 0,0001 pourcentage de chance que cela ne fonctionne pas est tellement intolérable qu’il prend autant de poids dans la balance que toutes les options de réussite. Que faire ? Pas grand chose car c’est ainsi que nous fonctionnons. Enfin si, il y a tout de même quelque chose à faire : s’entraîner à accepter de se mettre en position de vulnérabilité (calculée, n’oubliez pas que c’est un entraînement), de façon à apprendre à tolérer davantage l’incertitude.
Bibliographie
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