ACT et attaques de panique expliqué en 5 minutes

« Papa, j’ai une amie qui fait des attaques de panique, tu pourrais lui expliquer ton truc sur l’acceptation ? » Me lance ma grande fille, en position d’observation, perchée sur les dernières marches de l’escalier.

Assis sur le tapis, jouant avec ma petite Charlie ce samedi après-midi, cette demande me laisse perplexe. Un bloc « étoile » en main, une petite chanson comptant jusqu’à 4 dans l’air et ma petite fille testant les limites de la solidité du matériel de puériculture environnant, je me pose la question de comment expliquer à une ado les principes de l’acceptation des émotions dans le contexte des attaques de panique, en faisant simple et court. Rapidement rappelé à la réalité par la dent sortante de Charlie dans mon index, je comprends assez vite que je n’ai pas beaucoup de temps devant moi pour formuler une réponse.

« Ok » répondis-je sans exactement savoir comment j’allais m’y prendre.

« Voilà le topo. Lorsque les facteurs biologiques et les dérèglements physiologiques sont éliminés, il est possible que les attaques de panique aient une origine psychologique. Il y a trois choses à faire dans ce cas. La première est d’éliminer autant que possible les zones de stress inutiles sur lesquelles elle a du contrôle. La seconde est de comprendre le processus sous-jacent aux attaques de panique. La troisième est d’agir en conséquence. »

« Pour la première, il faut faire la liste des zones de stress que rencontre ton amie et son degré de contrôle de celles-ci. Ensuite, évaluer, pour chaque zone de stress, les conséquences à court terme et à long terme d’une élimination de celle-ci, et si c’est possible. Il s’agit en fait de faire le tri dans sa vie des stresseurs utiles et inutiles pour elle et ses objectifs à long terme. Il existe une zone de stress particulière sur laquelle nous pensons ne pas avoir de contrôle alors que nous en avons un, c’est les prises de tête. La pensée « je ne peux pas m’en empêcher » ne reflète aucunement une réalité mais davantage une bonne excuse que lui envoie son esprit pour continuer à faire ce pourquoi il est programmé : résoudre des problèmes. Notre esprit est construit pour se prendre la tête. C »est son boulot. C’est un peu comme un tournevis super perfectionné qui considère tout comme des vis (des problèmes). Tant que c’est des vis, c’est génial. Quand il tombe sur un boulon, les choses se compliquent. »

« C’est là que nous arrivons à la deuxième chose à faire. Comprendre comment cela fonctionne. L’esprit humain est un outil de survie. Il fonctionne en permanence. Son objectif est de repérer les problèmes réels et potentiels dans l’environnement et de trouver des solutions pour nous en sortir ou nous en préserver. Quand il est question de survie, aucun problème ne peut être oublié. Et il y arrive. Le pendant négatif de cette super sensibilité aux problèmes est une tendance à sur évaluer les événements comme des problèmes. C’est ce qui se passe généralement dans les attaques de panique. Suite à une première attaque de panique (tout le monde en a une un jour dans sa vie), les sensations qui ont été vécues dans celle-ci sont considérées par l’esprit comme annonciateur d’une attaque de panique prochaine. En bonne machine de survie, notre esprit va tenter de nous éviter de refaire à nouveau cette expérience particulièrement difficile qu’est une attaque de panique et va développer une super sensibilité aux sensations reliées à l’attaque de panique. Ce faisant, il va interpréter toutes les sensations qui se rapprochent de près ou de loin de l’attaque de panique comme annonciatrices de celle-ci. Comme nous n’aimons pas les attaques de panique, repérer une sensation qui annonce la venue prochaine de celle-ci déclenche la peur de l’attaque, la peur ayant des sensations identiques à l’attaque de panique, celles-ci s’ajoutent aux sensations initiales (qui n’était peut-être même pas un début de panique), en augmente l’intensité et notre esprit saute dessus en l’interprétant comme le fait que l’attaque de panique est bien là. Non seulement, cela valide sa fausse interprétation mais en plus cela crée plus de peur et donc plus de sensations et donc plus d’interprétations et donc … l’attaque de panique. »

« Ce qui déclenche et maintient ce processus qui s’alimente tout seul est la peur de l’attaque de panique et le désir, tout à fait naturel, de ne pas en faire l’expérience. »

«  La troisième chose à faire serait donc de ne plus avoir peur ? Si c’était si simple … En fait, il s’agit de maintenir de la flexibilité. Principalement au niveau attentionnel et comportemental lorsque l’attaque de panique se présente. »

« Pour arriver à cette flexibilité attentionnelle et comportementale il s’agit de s’entrainer à adopter une position décentrée par rapport à son expérience. Cette position ressemble à peu de chose près à écouter un oiseau chanter ou regarder un coucher de soleil. C’est une position où on ne cherche pas à changer quoi que ce soit à l’expérience que l’on est en train de faire. L’idée est de développer une perspective d’où il est possible d’observer ce qui se passe sans jugement, sans désir de changer quoi que ce soit. Pour ce faire on peut regarder l’expérience comme un ensemble de trois choses : des sensations, des pensées et des « envies de ». Observer ses sensations n’est pas trop difficile. La difficulté est maintenir son attention dessus sans entrer dans un jugement. Pour ne pas entrer dans un jugement, il s’agit d’observer ceux-ci. Les jugements sur notre expérience sont inévitables, ils sont le fruit du travail constant de notre système de survie et sont donc normaux. Observer ses jugements revient à remarquer ceux-ci sans les prendre pour argent comptant. Un peu comme on peut observer des nuages dans le ciel ou des feuilles dans une rivière. C’est en fait cela le travail le plus difficile. Ne pas considérer a priori comme vrai les jugements. Cela nécessite donc un peu d’entrainement. Comme pour toute activité nécessitant de développer une certaine maitrise, il convient de s’y entrainer en dehors des moments critiques : c’est-à-dire en dehors des attaques de panique. C’est ainsi que l’on entraine sa flexibilité attentionnelle. »

« La flexibilité comportementale revient à ne pas faire ce que nous dit de faire notre esprit pour nous échapper de ce danger qui n’en n’est pas un. Le fait de fuir ce faux danger diminue les sensations de panique et renforce la fausse idée que la panique est dangereuse : j’ai peur, je fuis, je n’ai plus peur, j’avais donc raison de fuir … Le problème n’est pas la fuite en soi, mais le fait que l’on s’engage systématiquement dans celle-ci. C’est ce qu’on appelle la rigidité. Cette rigidité peut réduire notre champ d’action et faire en sorte que notre vie tourne autour des attaques de panique et non de ce qui est important pour nous. Fuir constamment les attaques de panique revient à laisser celles-ci diriger notre vie. Nous en devenons l’esclave. Nous perdons notre liberté. La meilleure façon de retrouver cette liberté est, paradoxalement, d’arrêter de lutter contre les attaques de panique. »

« Pour retrouver cette liberté, on doit s’entrainer un peu. L’entrainement commence par éliminer progressivement tout ce qui nous rassure comme la bouteille d’eau, la présence d’un ami, ou le coup de téléphone qui nous permet de nous calmer. Pourquoi ? En se rassurant on entre dans le jeu de l’esprit et lui donnons raison : la panique est dangereuse et je dois chercher de l’aide pour m’en sortir. »

« Que faire concrètement ? Prendre le temps de s’entrainer à considérer ses expériences avec détachement, curiosité et bienveillance. Il y a plusieurs pistes audios sur ce site qui en donnent des exercices concrets, comme l’observation des sons et des pensées, les 5 sens, le bodyscan express, la carte SIS …). Maintenir de la flexibilité en faisant de la place à toutes les expériences au cours d’une attaque de panique : les sensations, les pensées, mais aussi ce qui se passe autour de nous, les sons, les odeurs, les couleurs … »

« Le dernier conseil concret est le suivant : ne laissez pas les attaques de panique diriger votre vie. C’est vous le chef. C’est vous qui décidez. Alors battez-vous : Cessez de lutter contre vos expériences et orientez vos efforts à vous libérer de l’emprise de votre esprit.

Egide Altenloh
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