Vous est-il déjà arrivé d’être en colère ou stressé mais d’être en mesure de gérer la situation, sans vriller ou exploser ? C’est pour moi un de ces moments particulièrement satisfaisants, me renforçant dans l’idée que l’on ne peut vraiment “gagner” que dans le calme et le respect. Ces victoires ont toutes un point commun : nous sommes restés dans la fenêtre de tolérance émotionnelle.
La fenêtre de tolérance est un concept clé en psychologie, notamment dans le domaine de la régulation émotionnelle et du stress. Développée par le Dr. Dan Siegel, cette notion désigne l’état optimal dans lequel une personne peut fonctionner et réagir aux stimuli de manière adaptative et équilibrée. Cet article explore la fenêtre de tolérance, présente des recherches scientifiques sur le sujet, et propose des stratégies pratiques pour élargir cette fenêtre afin de mieux gérer le stress au quotidien.
Qu’est-ce que la Fenêtre de Tolérance ?
La fenêtre de tolérance représente la zone dans laquelle nous pouvons traiter les informations émotionnelles et les événements stressants de manière efficace. Lorsque nous sommes dans cette fenêtre, nous sommes capables de penser clairement, de faire des choix rationnels et de rester calmes sous la pression. Si nous ressentons une détresse qui nous rapproche du bord de notre « fenêtre », nous sommes généralement capables d’utiliser des stratégies pour ne pas en sortir. Mais avec les niveaux de stress prolongés et sans précédent d’aujourd’hui, il peut sembler que l’on nous pousse constamment en dehors de cette fenêtre.
Pour les personnes qui ont vécu un traumatisme ou une adversité chronique tôt dans la vie, ce sentiment est comme être catapulté hors de cette fenêtre. En effet, les expériences traumatisantes s’impriment sur notre physiologie : les sens d’une personne s’intensifient, ce qui l’envoie dans un état de vigilance constante ; et les expériences et les réactions s’intensifient, de sorte que tout semble plus grave ou même apocalyptique. Les deux réponses réduisent considérablement la fenêtre d’une personne et rendent la recherche de stratégies d’adaptation beaucoup plus difficile.
Les Bases Scientifiques de la Fenêtre de Tolérance
La recherche sur la fenêtre de tolérance est riche et variée, englobant des domaines comme la neurobiologie, la psychologie et la psychiatrie. Les études montrent que notre capacité à rester dans cette fenêtre est influencée par plusieurs facteurs, dont notre historique personnel, notre environnement et nos compétences en régulation émotionnelle.
Neurobiologie de la Fenêtre de Tolérance
Le corps traite les menaces perçues par le biais du système nerveux autonome, un mécanisme involontaire et réflexif qui nous aide à survivre. Le système nerveux a deux branches principales : le système nerveux sympathique, qui mobilise les ressources internes du corps pour agir en cas de menace ; et le système nerveux parasympathique, souvent appelé système de « repos et digestion », car il atténue les réponses sympathiques aiguës et maintient le corps dans un état de restauration et de repos.
Selon Porges (2011), la théorie polyvagale propose que le nerf vague joue un rôle crucial dans la régulation des états physiologiques associés à la fenêtre de tolérance. Une activité vagale équilibrée favorise un état de calme et de sécurité, essentiel pour rester dans la fenêtre de tolérance.
Lorsqu’elles opèrent dans notre fenêtre de tolérance, ces deux branches fonctionnent en équilibre pour gérer les réponses du corps en fonction de la situation. Par exemple, si vous êtes en retard à une réunion, le système nerveux sympathique peut se mettre en marche pendant les moments de précipitation ou d’inquiétude quant aux conséquences d’un retard. Une fois que vous arrivez à la réunion et que vous vous installez, le système nerveux parasympathique prend le relais et régule le corps pour qu’il retrouve un fonctionnement calme et normal.
Mais pendant les périodes de stress extrême, une ou les deux branches peuvent se dérégler. Il en résulte des périodes d’hyperactivation ou d’hypoactivation.
Hyperactivation et Hypoactivation
Hyperactivation
L’hyperactivation, communément appelée réaction de combat/fuite, est associée au système nerveux sympathique et est un système « bloqué ». Dans cet état, une personne peut devenir hypervigilante, anxieuse, paniquée, en colère, dépassée ou consumée par des pensées qui s’emballent. Il peut être difficile de se détendre ou de dormir. Elles peuvent également ressentir des douleurs chroniques ou des problèmes de digestion – ce que nous appelons souvent un « estomac nerveux ». Par exemple, lorsqu’une personne est confrontée à une surcharge de travail, elle peut ressentir une forte pression et réagir de manière excessive en étant irritable ou en ayant des pensées chaotiques (Porges, 2011).
Hypoactivation
L’hypoactivation, communément appelée réponse de gel, est associée au système nerveux parasympathique et est un système « éteint ». Cela amène les gens à se fermer et à se retirer ou à se sentir engourdis, vides, épuisés, déprimés et coincés. Elles peuvent avoir peu d’énergie ou de motivation. Elles peuvent également être désorientées ou se dissocier. Par exemple, après une longue période de stress, une personne peut se sentir épuisée, incapable de se concentrer ou déconnectée de ses émotions (Siegel, 2012).
Dans les deux cas, il peut devenir difficile de traiter les pensées et autres stimuli comme nous le ferions autrement. En effet, la zone du cortex préfrontal du cerveau – où se produit le fonctionnement cognitif rationnel et d’ordre supérieur – s’arrête effectivement. Le cortex préfrontal est essentiellement un centre de contrôle qui rassemble nos émotions et impulsions les plus basses. C’est la zone « super-sensible » du cerveau qui a évolué le plus récemment, à tel point que même les angoisses à court terme et les soucis quotidiens provoquent des changements neurochimiques qui peuvent immédiatement affaiblir les connexions réseau. Lorsque cela se produit, le système nerveux se dérègle et nous sortons de notre fenêtre de tolérance.
Exemples de la Vie Quotidienne
Stress au Travail
Imaginez un employé confronté à une échéance serrée. S’il est dans sa fenêtre de tolérance, il pourra planifier son travail, prioriser les tâches et demander de l’aide si nécessaire. En revanche, s’il sort de sa fenêtre de tolérance, il pourrait paniquer, procrastiner ou devenir agressif avec ses collègues.
Relations Personnelles
Dans une dispute avec un partenaire, rester dans sa fenêtre de tolérance permet d’écouter activement, de comprendre le point de vue de l’autre et de chercher des solutions constructives. Si l’un des partenaires dépasse sa fenêtre de tolérance, la dispute peut dégénérer en cris, en reproches ou en retrait émotionnel.
Stratégies pour Élargir la Fenêtre de Tolérance
“J’ai beau le savoir, et me dire de ne pas stresser, cela ne marche pas”, “je tente de me rassurer en me disant que ça va aller, mais je suis toujours aussi stressée”… vous vous reconnaissez dans ces tentatives infructueuses de se rassurer mentalement ? Cette stratégie, l’utilisation d’un discours intérieur pour combattre des émotions importantes, est souvent utilisées et parfois même conseillée par nos proches. Or, cela ne fonctionne pas avec nous… Pourquoi ? Principalement parce que le système nerveux ne comprend pas facilement le langage rationnel. Il préfère le “langage somatique” : il est bien plus à l’aise avec le sensoriel qu’avec le rationnel.
Ci-dessous, vous trouverez une petite liste non exhaustive de pratiques ayant un impact reconnu sur le système nerveux autonome.
Pratiques de Pleine Conscience
La pleine conscience aide à développer une meilleure conscience de soi et à rester ancré dans le présent. Des études ont montré que la méditation de pleine conscience peut augmenter la résilience au stress et élargir la fenêtre de tolérance (Kabat-Zinn, 1990).
En Pratique : Essayez une pratique de respiration consciente. Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux et concentrez-vous sur votre respiration. Inspirez profondément par le nez, expirez lentement par la bouche. Répétez pendant 5 à 10 minutes.
Exercice Physique
L’exercice physique régulier améliore la santé mentale en libérant des endorphines et en réduisant les niveaux de cortisol, l’hormone du stress. Une étude de Smith et al. (2013) a démontré que l’exercice modéré à intense peut aider à maintenir l’équilibre du système nerveux autonome.
En Pratique : Intégrez au moins 30 minutes d’exercice physique dans votre routine quotidienne, comme la marche, la course, le yoga ou la natation.
Passer du Temps dans la Nature
Le contact avec la nature est un excellent régulateur de stress. Les recherches suggèrent que les premiers effets se manifestent déjà après 10 minutes (Meredith et al., 2020). Passer entre 20 et 30 minutes dans la nature est particulièrement efficace pour réduire les niveaux de cortisol, l’hormone du stress. Une réduction notable des niveaux de cortisol a été observée pendant cette période, avec des bénéfices additionnels au-delà de 30 minutes mais à un rythme plus lent (Hunter, Gillespie, & Chen, 2019). De façon générale, selon White et ses collaborateurs (2019), la “dose” hebdomadaire optimale serait autour de 120 minutes.
Stratégies Respiratoires : Cohérence Cardiaque et Soupir Cyclique
Les techniques de respiration sont particulièrement efficaces pour réguler le système nerveux autonome et ainsi entretenir ou élargir la fenêtre de tolérance. Deux respirations se distinguent dans la littérature par leur effet direct sur l’équilibre de notre système nerveux autonome.
Cohérence Cardiaque : Cette technique de respiration vise à synchroniser la respiration avec les battements du cœur, améliorant ainsi la variabilité de la fréquence cardiaque et induisant un état de calme. Des études ont montré que la cohérence cardiaque peut réduire les niveaux de stress et améliorer les fonctions cognitives (McCraty & Childre, 2010). Elle est particulièrement indiquée dans l’entretien et l’élargissement de la fenêtre de tolérance et peut se pratiquer en dehors des moments de stress.
En Pratique : Pratiquez la cohérence cardiaque en respirant doucement et profondément pendant cinq secondes, puis en expirant pendant cinq secondes, répétant ce cycle pendant cinq minutes, trois fois par jour.
Soupir Cyclique : Il s’agit d’une méthode de respiration qui implique des respirations longues et profondes suivies de soupirs prolongés. Cette technique aide à relâcher la tension accumulée et à recentrer le système nerveux (Balban & al., 2023). Cette pratique respiratoire est très puissante pour réduire le niveau d’activation du système sympathique et je la recommande généralement en situation de stress, d’anxiété ou de colère afin de retrouver un niveau de calme (relatif) plus rapidement. (pour une explication de cette méthode respiratoire : (69) Breathing Techniques to Reduce Stress and Anxiety | Dr. Andrew Huberman on the Physiological Sigh – YouTube)
En Pratique : Prenez une respiration profonde et lente par le nez, lorsque vous arrivez presque au bout de votre inspiration, prenez encore une inspiration profonde et rapide par le nez. Puis, soupirez longuement par la bouche, comme si vous relâchiez un poids. Votre expiration devrait, dans l’idéal, être deux fois plus longue que votre inspiration. Répétez ce cycle cinq à dix fois, surtout en période de stress.
Dans la vidéo suivante, vous aurez une démo du soupir cyclique : Cyclic Breathing For Beginners: Guided Breathwork by Andrew Huberman (youtube.com)
Hygiène de Vie
Adopter une bonne hygiène de vie est crucial pour la gestion du stress. Cela inclut une alimentation équilibrée, un sommeil suffisant et l’évitement des substances nocives comme l’alcool et la drogue.
En Pratique : Établissez une routine de sommeil régulière, visez 7 à 9 heures de sommeil par nuit et évitez les écrans au moins une heure avant de vous coucher.
Conclusion
La fenêtre de tolérance est un concept essentiel pour comprendre comment nous réagissons au stress et aux émotions. En développant des stratégies pour élargir cette fenêtre, nous pouvons améliorer notre résilience, notre bien-être émotionnel et notre capacité à gérer les défis de la vie quotidienne. Les recherches scientifiques offrent un cadre solide pour comprendre les mécanismes sous-jacents et les interventions efficaces, nous permettant ainsi de vivre de manière plus équilibrée et sereine.
Bibliographie
- Balban, M. Y., Neri, E., Kogon, M. M., Weed, L., Nouriani, B., Jo, B., … & Huberman, A. D. (2023). Brief structured respiration practices enhance mood and reduce physiological arousal. Cell Reports Medicine, 4(1).
- Beck, J. S. (2011). Cognitive Behavior Therapy: Basics and Beyond. New York, NY: Guilford Press.
- Kabat-Zinn, J. (1990). Full Catastrophe Living: Using the Wisdom of Your Body and Mind to Face Stress, Pain, and Illness. New York, NY: Delta.
- McCraty, R., & Childre, D. (2010). Coherence: Bridging Personal, Social, and Global Health. Alternative Therapies in Health and Medicine, 16(4), 10-24.
- Meredith GR, Rakow DA, Eldermire ERB, Madsen CG, Shelley SP and Sachs NA (2020) Minimum Time Dose in Nature to Positively Impact the Mental Health of College-Aged Students, and How to Measure It: A Scoping Review. Front. Psychol. 10:2942. doi: 10.3389/fpsyg.2019.02942
- Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. New York, NY: W. W. Norton & Company.
- Siegel, D. J. (2012). The Developing Mind: How Relationships and the Brain Interact to Shape Who We Are. New York, NY: Guilford Press.
- Smith, P. J., Blumenthal, J. A., Hoffman, B. M., Cooper, H., Strauman, T. A., Welsh-Bohmer, K., … & Sherwood, A. (2013). Aerobic exercise and neurocognitive performance: a meta-analytic review of randomized controlled trials. Psychosomatic Medicine, 72(3), 239-252.
- Hunter MR, Gillespie BW and Chen SY-P (2019) Urban Nature Experiences Reduce Stress in the Context of Daily Life Based on Salivary Biomarkers. Front. Psychol. 10:722. doi: 10.3389/fpsyg.2019.00722
- Huberman, A. (2021). « Controlling Your Stress Response » [Podcast episode]. In Huberman Lab.
- White, M.P., Alcock, I., Grellier, J. et al. Spending at least 120 minutes a week in nature is associated with good health and wellbeing. Sci Rep 9, 7730 (2019). https://doi.org/10.1038/s41598-019-44097-3
FAQ
Qu’est-ce que la fenêtre de tolérance ? La fenêtre de tolérance est un concept en psychologie développé par le Dr. Dan Siegel. Elle désigne l’état optimal dans lequel une personne peut réagir aux stimuli de manière équilibrée et adaptative, sans être submergée par le stress ou les émotions.
Pourquoi est-il important de rester dans la fenêtre de tolérance ? Rester dans la fenêtre de tolérance permet de penser clairement, de faire des choix rationnels et de maintenir un état de calme et de sécurité, même sous pression. Cela contribue à une meilleure gestion du stress et à une meilleure santé mentale.
Comment le système nerveux influence-t-il la fenêtre de tolérance ? Le système nerveux autonome, composé du système nerveux sympathique et parasympathique, joue un rôle clé. L’équilibre entre ces deux branches permet de gérer les réponses au stress. L’hyperactivation et l’hypoactivation peuvent perturber cet équilibre et réduire la fenêtre de tolérance.
Qu’est-ce que l’hyperactivation ? L’hyperactivation est une réponse du système nerveux sympathique, souvent appelée réaction de combat/fuite. Elle se manifeste par une hypervigilance, de l’anxiété, de la panique, de la colère, et des pensées chaotiques.
Qu’est-ce que l’hypoactivation ? L’hypoactivation est une réponse du système nerveux parasympathique, souvent appelée réponse de gel. Elle se manifeste par une fermeture émotionnelle, un sentiment d’engourdissement, de la dépression, et un manque d’énergie ou de motivation.
Comment les traumatismes influencent-ils la fenêtre de tolérance ? Les traumatismes peuvent réduire considérablement la fenêtre de tolérance en rendant les individus plus sensibles aux stimuli stressants et en difficulté à utiliser des stratégies d’adaptation efficaces.
Quelles sont les stratégies pour élargir la fenêtre de tolérance ?
- Pratiques de pleine conscience : La méditation et la respiration consciente aident à ancrer dans le présent et à développer la résilience au stress.
- Exercice physique : L’activité physique régulière libère des endorphines et réduit les niveaux de cortisol, améliorant ainsi l’équilibre du système nerveux.
- Passer du temps dans la nature : Le contact avec la nature réduit les niveaux de cortisol et améliore le bien-être.
- Stratégies respiratoires : La cohérence cardiaque et le soupir cyclique sont des techniques efficaces pour réguler le système nerveux.
- Hygiène de vie : Une alimentation équilibrée, un sommeil suffisant et l’évitement des substances nocives sont essentiels pour une bonne gestion du stress.
Comment pratiquer la cohérence cardiaque ? La cohérence cardiaque consiste à respirer profondément pendant cinq secondes, puis à expirer pendant cinq secondes, et à répéter ce cycle pendant cinq minutes, trois fois par jour.
Qu’est-ce que le soupir cyclique et comment le pratiquer ? Le soupir cyclique implique des respirations longues et profondes suivies de soupirs prolongés. Inspirer profondément par le nez, ajouter une inspiration rapide par le nez, puis soupirer longuement par la bouche. Répéter ce cycle cinq à dix fois en période de stress.
Pourquoi le discours intérieur rassurant ne fonctionne-t-il pas toujours ? Le système nerveux ne comprend pas facilement le langage rationnel. Il préfère le « langage somatique » ou sensoriel. Les pratiques somatiques comme la respiration et l’exercice physique sont plus efficaces pour réguler le stress.
Illustration générée par IA (Dall.E)
Texte construit en collaboration avec une IA (GPT4o)
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