Exercice ACT | La Danse SOORVA : Un « Tai Chi » créé par vous, pour vous ?

Le protocole de la Danse SOORVA permet de créer une chorégraphie personnelle, qui met en mouvement et intègre différents aspects d’une difficulté : ce qui pose problème, un des antécédents clés du problème, la ressource dont on a besoin pour sortir de l’emprise du problème et s’avancer vers son objectif, et la valeur à laquelle cet objectif est lié.

Il s’agit d’une pratique psychocorporelle générique, inspirée de la PNL (plus précisément: de la « danse analogue » selon Judith DeLozier, et le « Dancing Score » de Robert Dilts), que j’ai modifiée pour qu’elle devienne plus cohérente avec l’ACT.

Notre corps a un grand savoir-faire avec le monde sans que celui-ci passe nécessairement par le langage conscientisé. il fonctionne un peu comme une énorme base de données implicites en deçà de notre mental. Nous avons cependant la possibilité d’accéder à ces  données si l’on passe par un autre chemin que la réflexion logique. La pratique de la danse SOORVA permet un accès plus direct au savoir-faire corporel que nous avons tous.

En principe vous pourrez utiliser ce protocole comme outil d’auto-traitement pour une grande diversité de problèmes et, de façon plus globale, comme moyen de vous brancher sur l’intelligence du corps, si souvent bafouée dans notre culture. En pratique, il est préférable, au moins pour la première fois, de vous laisser guider par quelqu’un qui s’est déjà familiarisé à cette approche. Si, ensuite, vous continuez à pratiquer la séquence de gestes identifiés chez vous, un peu comme on pratique le Tai Chi, vous pourrez découvrir que cette intelligence du corps vous devient de plus en plus accessible, avec tous les bienfaits associés.

SOORVA est un acronyme (un de plus) composé des premières lettres de Symptôme, Origine, Objectif, Ressource, Valeur, Action engagée (et contextualisée).

Phase d’évocation

Mise en place

Demandez à la personne d’imaginer une ligne le long du plancher de la salle. Proposez-lui d’imaginer que ce soit une ligne du temps et que, si elle avance le long de la ligne, elle se déplace dans le futur et si elle recule, elle se déplace dans le passé. Proposez à la personne de choisir l’endroit où se trouve la ligne du temps dans l’espace de consultation.

Convenez avec elle d’un endroit dans la pièce à une certaine distance de la ligne du temps, qui fera office d’espace sécurisé, une sorte de lieu de retraite destiné aux moments ou elle souhaite faire une pause ou quand les émotions sont trop envahissantes pour faciliter leur traversée en continuant l’exercice. Si vous êtes un thérapeute ACT, considérez cet endroit comme un espace de défusion.

Première étape : Le Symptôme

Demandez à la personne de se poser sur le point de la ligne du temps qui représente le présent problématique et de se tourner vers l’avenir. Demandez-lui de s’immerger dans l’expérience de tous les RESSENTIS qu’elle associe avec le problème identifié. Ce problème peut être des conditions pénibles comme l’anxiété, le découragement, l’orgueil, ou encore la frustration de ne pas avancer dans sa carrière. Lorsque la personne réexpérimente les ressentis associés, elle est incitée de ne pas se concentrer uniquement sur les noms ou les étiquettes de celles-ci, mais surtout sur les sensations physiques réelles. Ainsi, par exemple, si le stress de quelqu’un implique une sensation de torsion dans l’estomac et des apnées respiratoires, c’est ça que vous voulez que la personne réexpérimente. S’il agit de tensions dans les viscères (les muscles lisses), plutôt que dans les muscles qui font bouger les articulations (les muscles striées), on peut demander à la personne de faire avec sa main ce que ces muscles lisses font à l’intérieur. Pour revenir à l’exemple d’une torsion dans l’estomac, la personne pourrait faire un poing qui tourne.
Il est recommandé que l’accompagnant fasse les mêmes gestes que la personne accompagnée, en se tenant à ses côtés. Non seulement cela peut permettre des instances de défusion, mais ça peut aussi réduire le sentiment d’être mise à nue ou d’être ridicule. Le travail gestuel peut parfois être un sacré défi, et le fait que l’accompagnant participe à ce jeu de gestes pour alimenter le sens que « nous sommes dans le même bateau » est très aidant.
Vous pouvez également l’aider en lui demandant ce qui se passe dans son corps, ce qui augmente la défusion des commentaires venant du mental et l’acceptation dans le moment présent. Plus le participant vous perçoit comme étant « à son côté », mieux il pourra contacter les sentiments qui sont reliés à son problème. Comment le savoir ? Demandez-lui. La personne sera en mesure de vous dire ce qu’elle ressent et où elle le ressent. Il peut être utile (si la personne n’est pas trop fragile) d’intensifier un peu la tension qui est associé avec son problème, et d’explorer ensemble comment cela crée des changements dans le reste du corps. En amenant le focus d’une tension (« problématique ») spécifique à l’ensemble du corps on permet à la personne de déjà accepter celle-ci et de défusionner avec elle. Cela permet aussi de renforcer le sens du « corps comme contenant des émotions ».

Une autre approche est de demander à la personne de décrire ses sensations et de noter quels gestes (ou changement de posture) il ferait pour décrire ce qu’il ressent. La description verbale étant souvent métaphorique par nature, il est intéressant de poser des questions adaptées (venant du « Clean Language » de David Grove, James Lawley et Penny Tomkins) comme :

  • « Quel genre de …? »
  • « Y a-t-il autre chose à propos de … ? »
  • « Et tout cela est comme quoi ? »

Lorsque la métaphore est décrite, des gestes symboliques sont plus facilement accessibles et se manifestent souvent spontanément quand la personne est en train de décrire la métaphore. C’est souvent sans s’en rendre compte que la personne fait un geste « clé » ; l’observation et le feedback du thérapeute sont donc essentiels, ici.

Ce questionnement est préférable à la proposition directe : « Faites un geste qui résume vos sensations » qui risque de trop mobiliser le mental pour répondre à la demande du thérapeute, à moins que l’intention soit de donner un plus grand sens de contrôle de ce qui se passe.

Les gens vont faire toutes sortes de gestes : serrer les mains, croiser les bras ou couvrir leur visage de leurs mains, ou encore tourner sur eux-mêmes. Quoi que la personne réalise comme geste, faites-le avec elle et vérifiez avec elle si ce geste correspond bien avec le ressenti du problème. Il s’agit de la première étape, le « S » du Symptôme.

Deuxième étape : L’Objectif

Proposez à la personne de faire une pause si elle le souhaite dans l’espace sécurisé ou continuez. Demandez-lui ensuite d’avancer depuis le lieu du problème présent, vers le futur, c’est-à-dire vers le lieu où la personne peut accomplir la réponse au contexte problématique qu’elle désire, son objectif.. et d’imaginer qu’elle est vraiment là, à ce lieu de compétence. Explorez avec elle ce qu’elle ressent à ce moment-là. Approfondissez, trouvez une métaphore, un geste, que vous effectuez vous aussi. Nous sommes arrivé à l’objectif, le deuxième « O » du modèle SOORVA.

Si la personne commence à trop intellectualiser pour trouver sa réponse, il est peut-être mieux de lui demander de sentir en quoi son corps change quand elle imagine que le problème est résolu de façon satisfaisante.

Le piège pourrait être que le ressenti qui remonte ne soit « que » celui du soulagement de s’être débarrassée du problème. Mais même si c’était le cas, ce soulagement (lié en partie à un évitement ?) peut aussi ouvrir un accès à des qualités valorisées importantes, que la personne peut contacter et incarner dans la quatrième étape de ce protocole.

Vous pouvez, si la personne le souhaite, faire une pause dans l’endroit sécurisé.

Troisième étape : L’Origine

Lorsque la personne est prête, demandez-lui de revenir sur la ligne du temps comme avant, à l’endroit qui représente le présent et face à l’avenir. Comme précédemment, demandez-lui de revivre tous les ressentis associés au problème et d’utiliser le geste qu’elle a évoqué à l’étape 1. Accompagnez-la en faisant, vous aussi, le geste. Quand elle a de nouveau accès aux ressentis associés à ce geste « S » , demandez-lui de revenir en arrière et, en reculant lentement, le long de la ligne du temps, de s’arrêter au point qui semble indiquer qu’elle est arrivée à une des origines du problème. Assurez-la qu’elle est en sécurité, que vous veillez à ce qu’elle ne tombe pas et ne se cogne à rien, pour favoriser son immersion dans l’expérience sans se soucier de ce qui se trame derrière elle.

Lorsque la personne s’arrête au point sur la ligne de temps qui représente pour elle l’origine, demandez-lui de vérifier si c’est le bon endroit en faisant un pas de plus en arrière. Si c’est le bon endroit, aller plus loin dans le passé diminuerait ou ferait disparaître les sensations. Lorsque la personne est sûre qu’elle a trouvé le bon moment, demandez-lui de revivre les sentiments associés à cette origine. En substance, c’est une répétition de l’étape 3. Pour résumer, augmenter la conscience corporelle, trouver une métaphore (questionnement), faire émerger un geste (différent du geste à l’étape 2). Vous aussi, réalisez ce geste. Cette étape correspond au premier « O » du modèle, l’Origine. C’est souvent en faisant ce geste que la personne contacte des souvenirs de ce qui s’est produit dans le passé.
Et si la personne se sent trop envahie par cette ré-émergence de souvenirs souvent douloureux, il est important de la guider vers le lieu de sécurité, la place de la Défusion. Et d’observer ce qui s’est passé, depuis ce lieu de sécurité, dans ce lieu de l’Origine.

Quatrième étape : La Ressource

Proposez à la personne de revenir au point présent « S » et de se reconnecter aux ressentis de ce point-là avec l’aide du geste, les yeux fermés. Puis d’ouvrir les yeux et d’avancer, lentement, jusqu’au point où le problème est résolu et d’y éprouver les sentiments associés avec le geste correspondant. Durant ce passage d’un point à un autre, insistez pour que la personne soit le plus consciente possible des changements qui s’effectuent dans le corps pour passer d’un état à l’autre. Recommencez le chemin, en avant et en arrière, jusqu’à ce que la personne ressente le point de basculement et l’ensemble des modifications corporelles. A nouveau, explorez en profondeur ce qui se passe dans le corps, trouvez une métaphore et un symbole gestuel. Faites ce geste également. Demandez à la personne ce qu’elle ressent en faisant ce geste. Cette étape-ci correspond au « R » du modèle, la Ressource.

Il y a deux autres moyens pour trouver ce geste « R »:

  1. Revenez sur le geste « S » et explorez en des variantes. Observez les effets : est-ce que cette variante augmente ou réduit l’intensité du problème ? Ou plus précisément : dans cette variante, est-ce que vous vous sentez plus ou moins sous l’emprise du problème ?
    Par exemple, si vous posez vos pieds autrement, quelle différence observez-vous?
    Quand vous avez identifié la variante qui permet le mieux à la personne de sortir de l’emprise du problème, vous avez trouvé le « R ». Demandez-lui de décrire la qualité de ce geste qui le rend différent du geste Symptôme. Si par exemple la personne dit : « je me sens plus solide », la Ressource peut être nommé: « solidité ».
  2. On peut aussi demander à la personne de se placer dans le lieu de sécurité, la place de la Défusion, et de vous observer, tandis que vous faites les deux gestes plusieurs fois : le geste du Symptôme et le geste de l’Objectif. Demandez-lui, en tant qu’observateur, quel geste pourrait « faire le pont » entre ces deux gestes, ou quel geste aiderait le mieux à diminuer l’emprise du symptôme et augmenter la facilité d’incarner celui qui correspond à l’Objectif. Quand la personne vous a guidé vers ce geste, et qu’elle est suffisamment certaine que ce geste peut effectivement servir comme « pont », comme un facilitateur de changement, elle adopte ce geste lui-même et vérifie si, effectivement, il fonctionne comme ressource.

Ensuite, vous identifiez, comme décrit ci-dessus, la qualité qui correspond à ce geste « R ».

Cinquième étape : La Valeur

Refaites avec la personne les 4 gestes trouvés jusqu’à ce moment, dans la séquence Origine, Symptôme, Ressource, Objectif.

Demandez ensuite « Quand vous êtes arrivé au geste « Objectif », vers quoi cela vous amène ? », « Quelle Qualité Valorisée commencez-vous à ressentir ? » ou « Cet objectif est au service de quelle valeur ? »

Sinon (de façon plus intellectualisé, peut-être, mais parfois nécessaire) : « Quand vous ressentez ce geste lié à l’objectif atteint, qu’est-ce qui est le plus précieux là-dedans ? ».

Si un geste ne vient pas spontanément quand la personne décrit cette valeur, utilisez de nouveau des  » clean questions », comme décrit ci-dessus :

« Quel genre de… ? », « Y a-t-il d’autre chose à propos de cela ? », « Et tout cela se ressemble à quoi ? »

Cette étape-ci correspond au « V » du modèle, la Valeur (ou qualité Valorisée).

Il peut être utile de refaire la séquence, avec les 5 gestes identifiés jusqu’à maintenant :

Or → S → R → Ou → V

Sixième étape : l’Action Engagée

Demandez à la personne de s’imaginer dans une situation concrète à venir où elle veut agir de façon cohérente avec cette Valeur, et d’aller à l’endroit de la ligne du temps où se trouve cette situation.

Demandez d’abord à la personne de refaire le geste « V », et ensuite de faire quelques variations de celui-ci , pour trouver le geste le mieux adapté à ce contexte.

Ainsi, on a trouvé le dernier geste, qui correspond à l’Action engagée.

Phase d’intégration

Ensuite, vous faites, ensemble, +/- sur place (sauf si la personne se déplace spontanément, comme c’est souvent le cas dans une danse), plusieurs fois les 6 gestes, dans cette ordre :

Or → S → R → Ou → V → A

Le thérapeute aide la personne à faire de cela une séquence fluide. Pour ça il peut être utile de d’abord ralentir les mouvements pour qu’elle puisse mieux ressentir comment coordonner ces 6 gestes (par exemple, utilisant ses pieds ou son bassin, des régions souvent ignorées).

A la fin, demandez à la personne de faire cette séquence dans « la vitesse normale », pour que ce processus soit encore mieux intégré dans la vie quotidienne de la personne.

Parfois, cela aide la personne d’avoir une représentation visuelle aussi de cette danse.

Pour faciliter ça, proposez-lui de vous observer quand vous refaites la séquence. Ensuite vous lui demandez de fermer les yeux et d’imaginer que cette fois-ci, c’est elle qui fait cette séquence – mais seulement dans son imagination. Si cette visualisation est encore trop floue, vous refaites la séquence encore une fois (ou plusieurs fois), et demandez à nouveau à la personne de l’imaginer.

Encouragez-la à pratiquer cette séquence régulièrement, comme un genre de “Tai Chi psychoactif”, au moins dans son imagination, mais parfois aussi dans une vraie danse incarnée.

Suggestions complémentaires

Pour une personne qui semble encore assez fragilisée par son histoire, il est mieux de changer la séquence:

  1. Avant de reculer vers l’Origine, on contacte et incarne d’abord la Ressource qui facilite la transition entre Symptôme et Objectif.
  2. On pratique ensuite la séquence Symptôme -> Ressource -> Objectif.

Cela rassure le client : il est maintenant possible de sortir de l’emprise du Symptôme.
Cette assurance acquise fera en sorte que le contact avec l’origine (ce qui pourrait bien être un traumatisme) puisse être établi de façon moins déstabilisante.

Maarten Aalberse
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