La pêche aux canards avec ses pensées

Encore aujourd’hui, j’ai fait cet exercice avec une patiente.

C’est un classique du Niveau 1, je le propose souvent en formation. Mais pas à chaque fois.

l’idée ici est de stimuler à la fois la défusion à certaines pensées et l’acceptation de leur inévitable récurrence. Un beau challenge. C’est un remake des pensées au fil de l’eau, plus drôle et plus efficace pour faire accepter la récurrence des pensées négatives.

Voici une proposition de script, tel que je l’ai fait aujourd’hui :

 » Vous avez déjà été sur un stand de Pêche aux canards quand vous étiez petite ?  »

En général, la réponse est « oui ».

 » Ma fille, elle adore les canards rouges. Quand elle en voit passer un, elle tomberait bien à l’eau tellement elle se tend pour essayer de l’attraper  »

 » C’est amusant la pêche aux canards, car si vous en ratez un, il revient, à coup sûr !  »

 » La pensée de votre soeur, elle me fait penser à une pensée canard. Un vilain canard. Tout moche. Qui revient toujours.  »

 » Les canards comme ceux-là, on a tendance à les attraper, on ne sait pas pourquoi. On s’y agrippe et plouf on tombe dans l’eau. »

La patiente, malgré sa symptomatologie dépressive, éclate de rire.

 » Ce que je vais vous proposer de faire, c’est d’apprendre à faire autre chose avec les canards. Cela vous tente ? »

La aussi, en général, la réponse est « oui ».

 » Ok, je vais vous montrer comment on fait, mais pour cela, pendant toute la durée de l’exercice, vous devrez garder les yeux fermés. Si vous les ouvrez, c’est que vous souhaiter arrêter l’exercice. Et ce sera ok pour moi. C’est vous qui décidez ce que vous voulez bien faire ou non. »

 » Fermez les yeux. Laissez votre respiration telle quelle est et observez-là. »

2 ou 3 minutes d’induction de relaxation. Vous n’avez plus besoin que je vous dise quoi faire maintenant.

« A présent, imaginez que vous êtes à une fête foraine. Il y a du monde, des lumières, des odeurs, du pain saucisse (ou tout autre spécialité de votre coin). Devant vous se tient un stand de pêche aux canards. Vous y aller. Vous voyez les canards. Il y en a des sympas et des tout moches. Ces canards représentent les personnes que vous connaissez. Il y a vos amis, votre mari, et d’autres personnes. Puis il y a le plus moche de tous, un canard qui porte le visage de votre soeur. »

Des larmes commencent à couler sur les joues de la patiente.

J’aurais pu en profiter pour faire un exercice d’acceptation, mais ce n’était pas le but, et ce n’est pas pour cela qu’elle avait signé en participant à l’exercice. Donc je laisse « couler ».

« Regardez ce canard. Prenez-le dans le bac. Regardez-le. Déposez-le dans le bac. Laissez-le aller. Respirez. De temps en temps, faites une expiration un peu plus longue. Le coeur ralentit sur l’expiration. Lorsque vous ressentez une émotion inconfortable, votre coeur s’accélère. Le ralentir permet de mieux gérer cette émotion. »

« Revenons à nos moutons … heu nos canards »

La patiente pouffe de rire.

 » Un autre canard arrive sans doute déjà. C’est le visage de votre mari. Vous le prenez. Vous le regardez. Vous le déposez dans le bac. Vous le laissez partir. »

« Une autre pensée sans doute s’approche. Vous la prenez. Vous la regardez. Vous la déposez dans le bac. Vous la laissez partir. »

« Et ainsi de suite. Il peut arrive qu’il n’y ait pas de canard, ça arrive souvent. Ils viennent par grappe parfois. Il vous suffit juste d’être patiente. Et à ce moment-là vous n’aurez que l’embarras du choix. Vous verrez, votre soeur va débarquer avec votre mère et toute la clique de pensées négatives. »

Rire.

Voilà comment rendre un exercice aussi poussiéreux que les pensées aux fil de l’eau amusant et tout aussi performant (si pas plus …) pour aider les patients à se désengager de pensées dysfonctionnelles.

Edit :

Après une semaine, la patiente a réalisé l’exercice tous les jours et les résultats sont là : elle ne rumine plus et quand elle a une pensée canard, elle la prend dans le bac, elle la regarde, elle la dépose dans le bac et elle la laisse partir.

Son mari a même repéré les moments où elle fait « sa pêche aux canards ». Il le lui dit et ça les fait rire. Ils rient de bon coeur alors même qu’elle a des pensées qui la faisaient pleurer une semaine auparavant. 

Pour fêter cela je lui ai proposé une technique sur-mesure d’auto-apaisement et d’acceptation, que je développerai sans doute dans un prochain billet . 

Et en plus de cela, dans cet exemple, j’ai utilisé une stratégie pour augmenter sa flexibilité émotionnelle … Laquelle ?

Amusez-vous avec vos patients. Surtout quand leur situation est désespérée.

Egide Altenloh
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