Fonction de l’exercice
Permet de défusionner avec des pensées auto-critiques. Cet exercice peut mener vers plus de douceur et de compassion envers soi-même.
L’idée centrale est de changer de perspective par rapport au narratif négatif intérieur en parlant depuis la perspective de ce narratif. A l’aide de cet exercice le patient établit un cadrage hiérarchique avec le narratif. De plus, le thérapeute, par sa posture attentive et non jugeante, développe un espace de collaboration autant avec le patient qu’avec son narratif, et non pas contre ce dernier. Il arrive régulièrement que la réalisation de cet interview permet au narratif négatif, souvent général et court (e.g. « je suis un escroc »), de se spécifier et de se flexibiliser.
Du point de vue du praticien, il s’agit de considérer le narratif négatif comme une entité indépendante, et non comme un ennemi de la thérapie. Du mieux qu’il peut, le thérapeute essaye de construire une relation de travail, thérapeutique, au service du « couple » patient/narratif.
Ce type de prise de perspective peut se réaliser également sur toute autre « partie » du patient, comme un Soi-trop protecteur, un clown intérieur qui protège le patient de sa propre vulnérabilité …
Script et mise en place
Patient et praticien sont en face à face, assis. Vous pouvez introduire l’exercice de cette manière :
« Il me semble que vous avez une partie de vous qui vous mène la vie dure. Je vais vous proposer une petite expérience, elle est inhabituelle et peut sembler bizarre au début, mais vous allez voir qu’on s’y fait rapidement. Je voudrais laisser une place à cette partie de vous. j’aimerais entendre ce qu’elle a à dire. Cela me permettrait de mieux vous comprendre. Qu’en pensez-vous ? »
Si le patient accepte, alors voici comment présenter l’exercice :
« Je vais vous demander de lui permettre de parler à travers vous, il est important que vous parliez à la première personne, comme si c’était elle qui parlait. Lorsque vous parlez de vous, il est important d’utiliser la troisième personne. Est-ce clair pour vous ? »
« Bien commençons. Dans un premier temps, fermez les yeux. Du mieux que vous le pouvez, essayez de vous relier à cette voix intérieur. essayez de ressentir sa présence, répétez vous au besoin ce qu’elle vous dit régulièrement à propos de vous. »
« Lorsque vous sentez bien sa présence, laissez la parler par votre bouche, de mon coté, je vais m’adresser à elle à partir de maintenant. Nous commencerons quand vous ouvrirez les yeux, ce sera le signal pour moi que vous êtes près à commencer. »
Note 2020 : A présent je procède différemment, ce qui rend l’expérience encore plus enrichissante … mais cela, c’est pour les formations.
Servez-vous des questions suivantes pour vous guider dans l’entretien. La fonction de cette interview est de faire en sorte de créer une alliance thérapeutique avec la partie critique, comme si c’était elle votre patient. Il s’agit de faire preuve d’empathie à son propos, de comprendre ce qu’elle fait, ce qui la motive, ce qui est important pour elle. L’idée de base de l’externalisation est de décrire un être hostile au patient, un être qui lui veut du mal. C’est cette partie là qu’on retrouve lorsqu’on travaille avec des personnes souffrants d’anxiété et de dépression. Ce n’est cependant pas une règle. Dans le cas du perfectionnisme par exemple, cette partie critique peut soutenir une intention positive.
- Bonjour, comment puis-je vous appeler ?
- A quoi ressemblez-vous ?
- Cela fait longtemps que vous accompagnez X ?
- Quand êtes-vous arrivé dans sa vie ? Quel âge avez-vous ?
- Pourquoi êtes-vous rester avec lui/elle ?
- Comment faites-vous pour intervenir dans sa vie ? Quelles sont vos stratégies ?
- Comment X réagit-il/elle lorsque vous êtes présent ?
- Racontez moi une victoire que vous avez eu sur lui/elle ?
- Avez-vous des personnes dans son entourage qui vous aident dans votre tâche ?
- Avez-vous d’autres choses qui vous aident, comme d’autres émotions, sentiments ou pensées ?
- Décrivez-moi à quoi ressemblerait sa vie si vous réussissez parfaitement votre tâche ?
- Qu’est-ce qui est important pour vous ?
- Qu’est-ce qui est vraiment important pour vous ?
- Il y a sans doute des fois où X échappe à votre contrôle, comment fait-il ?
- Il a sans doute des personnes qui l’aident à sortir de votre emprise, à vous mettre en échec ?
- Que se passerait-il si il se libérait totalement de votre emprise, si vous n’aviez plus d’impact sur lui ?
Il est possible cependant que, dans le discours du Autre Externalisé, une intention positive se présente, comme si cet Autre voulait en fait aider le patient et n’y arrive pas. Dans ce cas vous pouvez enchainer sur la série de question suivante.
- Qu’est-ce que vous craignez le plus ?
- Finalement, vos stratégies marchent-elles ? Vous permettent-elles d’atteindre vos objectifs ?
- Que pourriez-vous faire d’autre ?
- Que pensez-vous que X ait besoin ?
- De quoi, vous, avez-vous besoin ?
- Comment pourriez-vous vous aider mutuellement ?
…
Une telle interview pourrait déboucher sur un exercice des deux chaises en fonction de ce qui se passe dans le décours de celui-ci. Par exemple, si une intention positive se présente dans le discours de l’Autre Externalisé, ou encore lorsque la soumission à cette voix intérieure est très forte chez le patient, afin d’élargir les possibilités d’action du patient en présence de cette voix intérieure.
Je termine souvent cet exercice en proposant au narratif de revenir à l’intérieur du patient, d’y trouver une petite place où il peut être tranquille et d’où il pourra toujours souffler ses judicieux conseils au patient.
Consignes pour le débriefing
Centrez votre attention sur l’expérience du patient. Demandez-lui ce qu’il a vécu et comment il a vécu cet exercice. Que retient-il et comment mettra-t-il cela en place ?
Variantes :
Enregistrement vidéo
Vous pouvez filmer l’interview et la visionner avec le patient, depuis sa propre perspective. Proposez-lui d’arrêter la vidéo à certains moments, lorsqu’il ressent une sensation particulière se produire en lui. L’intention de cette séance vidéo est de créer encore un peu plus de distance avec le discours invalidant. Vous pouvez également proposer à l’Autre Externalisé de laisser un message au patient par le biais de la vidéo.
Inviter une personne proche du patient pour assister à l’interview
Vous pouvez planifier cet exercice et demandant au patient d’amener une personne qui lui est proche pour assister à l’interview. L’invité assiste silencieusement à l’interview et intervient ensuite en donnant son impression sur ce qu’il a vécu, ce qu’il a perçu, des difficultés du patient et du patient lui-même. Cet version de l’exercice permet d’induire une validation sociale des difficultés que rencontre le patient et de renforcer ces liens avec sa communauté de soutien.
Focusing
Lorsque le patient est bloqué dans son discours où que vous observer une incohérence importante entre la communication verbale et non verbale, vous pouvez utiliser la technique du focusing, afin de connecter le patient au ressenti corporel de l’Autre Externalisé.
Miroir
En fin d’interview, si vous disposez d’un miroir dans votre local, proposez à l’Autre Externalisé de parler directement au patient, dans le miroir, et de lui dire quelles sont ses intentions.
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