Les deux chaises – Outil clinique

 

Cet outil recouvre différentes fonctions, principalement reliées à l’acceptation, à la prise de perspective et à la résolution des conflits intérieurs. Cet article est inspiré de la Thérapie centrée sur les Emotions de Leslie Greenberg. Le principe de cet outil clinique est de mettre en relation différentes parties de soi et des les faire interagir. En général, c’est entre deux parties de soi que les conflits se présentent.

Il peut aussi être utilisé pour prendre une décision en incarnant les différents choix possibles par le patient.

Script et mise en place

Comptez au moins 30 minutes pour la réalisation de cet exercice. Cela peut prendre moins de temps, mais il est important d’avoir suffisamment de temps devant vous pour aller assez loin dans l’exercice. Après 30 minutes, il n’est pas nécessaire de continuer. La résolution n’aboutit pas toujours en une seule expérimentation. Il est utile de le répéter sur plusieurs séances si nécessaire, sans pour autant le programmer à l’avance. Il est important de TOUJOURS partir de ce qui est présent.

Cet exercice étant un peu particulier pour les patients, il est prudent de l’introduire afin de rassurer du patient. Vous pouvez si vous le souhaitez vous inspirer de l’introduction suivante en l’adaptant à votre style  :

« il semblerait qu’il y ait une partie de vous qui vous mène la vie dure. Dans les relations humaines, lorsqu’on est en conflit avec quelqu’un il est toujours intéressant de prendre un peu de temps pour discuter avec lui. Ce que je vais vous proposer ressemble en partie à cela. Comme il s’agit de discuter avec vous même, l’exercice pourrait vous paraître un peu inhabituel. Seriez-vous d’accord pour tenter une expérience inhabituelle ? »

Assurez vous que le patient ait bien compris l’exercice, au besoin expliquer davantage celui-ci.

Après avoir obtenu l’accord du patient, mettez en place une troisième chaise pour pouvoir réaliser l’exercice : disposez celle-ci en face du client, à 50 centimètres de lui plus ou moins de façon ce que vos trois chaises fassent un triangle comme sur le diagramme suivant :

Pour faciliter les changements de rôle du patient, afin qu’il puisse facilement s’y retrouver, vous pouvez disposer deux objets de couleurs différentes aux pieds de chaque chaise comme proposé sur le diagramme ci-dessus ou encore utiliser deux chaises différentes.

« Lorsque vous vous parlerez, il est important de le faire à la première personne, au présent, comme si vous vous adressiez directement à une personne présente en face de vous. Ne vous adressez pas à moi. Au cours ce cet exercice je ne serai là que pour vous aider à interagir le plus directement possible entre vous. »

Pendant cet exercice, vous, le praticien, devez faire en sorte de favoriser au maximum la relation entre le patient et cette partie de soi avec laquelle il rencontre des difficultés. Si vous êtes perdu à un moment, voici quelques exemples allant dans le sens de cette tâche inhabituelle, elle aussi, pour le praticien :

    • Lorsque le patient vous parle pour vous utiliser comme tiers dans la communication (ex. « Je voudrais qu’elle me laisse tranquille », « elle voudrait me dire que je devrais faire plus attention »), reformulez la phrase du patient à la première personne en regardant la chaise en face de lui (ex. « laisse-moi tranquille », « tu devrais faire plus attention »).
    • Si le patient s’arrête et semble déconnecter ou perdu, répéter, toujours à la première personne et en regardant la chaise en face de lui, sa dernière phrase en terminant par le mot évoquant le plus une émotion (ex. patient : «  je suis en colère quant tu ne fais pas les choses comme elles devraient être » le praticien peut reformuler en : « Quand tu ne fais pas les choses comme elles devraient être faites, cela me met en colère »).
    • Lorsque le patient évoque une émotion dans une phrase, profitez de l’occasion pour la reformuler en veillant à terminer votre reformulation par le mot qui évoque l’émotion (ex. patient : « Je t’ai détesté quand tu es apparu ce jour là avec mes enfants » le praticien peut reformuler en : « Quand tu es apparue ce jour là, je t’ai détesté »)
    • Lorsque les expressions non verbales du patient ne concordent pas avec les émotions verbalisées dans son discours, faites une reformulation en suggérant ce que vous percevez du non-verbal (ex. patient, exprimant la colère sur son visage, le ton de voix plus fort, un débit verbal rapide dit : « je suis triste que tu me fasses perdre autant d’opportunités » le praticien peut reformuler en : « tu me fais perdre plein d’opportunités et cela me met en colère »).
    • Insistez particulièrement sur les mots émotionnels en prenant un ton de voix légèrement plus grave pour ceux-ci. Ce ton favorise la pliance du patient, ce qui n’est pas un souci tant que le praticien garde comme objectif de favoriser l’expérience émotionnelle du patient et son parcours dans celle-ci et non d’imposer son propre chemin.

Lorsque le patient s’arrête et qu’il semble avoir terminé de dire ou de répondre à l’Autre Soi, demandez lui si il a encore un élément à ajouter et proposer lui de changer de chaise. Sur l’autre chaise, demandez lui ce qu’il ressent en ayant reçu cela, ce qu’il aurait envie de répondre. Faites changer de siège autant de fois que nécessaire pour arriver jusqu’à une résolution du conflit, ou sur demande du patient ou encore si le patient a une tendance à ne pas respecter ses limites et que vous jugez que celles-ci sont atteintes. Ne confondez pas les limites du patient avec la profondeur émotionnelle et l’intensité de l’expression de celle-ci. Faites-lui confiance.

Si le patient acquiesce sans nuance le discours de l’Autre, qu’il dit par exemple qu’il a raison de dire cela, faites le changer de chaise sous prétexte que « il semblerait que cette autre partie de vous aie encore envie de parler » et proposer au patient de répéter ce qu’il vient de dire depuis le point de vue de l’Autre.

Consignes pour le débriefing

Prenez le temps d’explorer avec le patient les différents vécus de celui-ci : Qu’a t-il ressenti ? Quelle nouvelle perspective a-t-il sur ses difficultés ? Comment et dans quelle situation fera-t-il autrement à présent ? Qu’est-ce qui est important pour chacune de ses parties ? Comment va-t-il trouver plus de cohérence et plus de paix entre toutes ces parties de lui ?

Nous conseillons vivement aux praticiens souhaitant utiliser cet outil de l’expérimenter avant sur eux-mêmes avec un thérapeute rompu à cette technique. Il existe des formations diverses permettant d’apprendre cet outil. Il est enseigné en Gestalt Therapy, en Emotion Focused Therapy ainsi que dans les formations que nous donnons. Chaque approche utilise et propose des « protocoles » différents de cet outil. 

Bibliographie :

Carstenson B (1955). The auxiliary chair technique – a case study. Group Psychotherapy, 8, 50-56.

Greenberg LS (2002). Emotion-focused therapy: Coaching clients to work through their feelings. Washington, DC: American Psychological Association.

Greenberg LS, Rice LN, Elliot R (1993). Facilitating Emotional Change: The Moment by Moment Process. NY: Guilford Press

Perls FS (1969). Gestalt Therapy Verbatim. Lafayette, California: Real People Press

 

Egide Altenloh
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