Exercice pleine conscience et acceptation | Les sons et la musique

Lorsque je me suis marié, le choix des musiques a été un moment important des préparatifs, encore plus important que les discours, en tout cas, pour ma part. Ma femme et moi avons passés beaucoup de temps à choisir les musiques qui rythmeraient la cérémonie. Nos amis ont faits une chanson pour nous dire tout ce qu’ils nous souhaitaient de bons dans la vie.

Depuis que nous marchons sur cette terre, la musique nous accompagne. Elle rythme nos vies, nos rituels, nos engagements. Des hymnes nationaux aux musiques qui ont traversé les siècles, la musique rassemble. Notre corps s’anime sur une musique qui lui parle. Oui, la musique est un un moyen de communication exceptionnel qui sert de vecteur à des émotions parfois puissantes pour la personne qui l’écoute.

Certains sons, comme les clochettes ou les bruits sourds, peuvent également évoquer des représentations difficilement décryptables par le langage.

Pourquoi la musique a-t-elle un impact si fort sur nous ?

Porges en donne une explication intéressante dans l’article suivant Porges Music Therapy 

En substance, Porges affirme que la musique stimule notre système d’engagement social et par là même va mettre en activité notre corps, tant sur le plan comportemental que physiologique. Nous sommes plus ouverts, calmes et en mesure de mieux réguler nos émotions. Cela est excessivement résumé, et je comprendrais les experts qui s’insurgeraient de ce raccourci. Cependant, cet article n’a pas pour objectif de décrire la théorie polyvagale. Cet article propose différents moyens d’intégrer l’utilisation des sons et de la musique en thérapie.

Dans une approche ACT (Thérapie d’Acceptation et d’Engagement) la musique permet de diminuer l’emprise du langage sur le vécu émotionnel et favorise une exploration moins filtrée des émotions par le patient. Le travail des sons et de la musique est une excellente introduction aux formes de thérapies plus psychocorporelles. De plus, cela met une ambiance particulière dans la session avec la personne. L’ambiance est non seulement détendue, mais elle permet aux émotions de se manifester. A vous, thérapeutes ACT ou autres, d’en tirer avantage pour en faire un moment thérapeutique.

Les façons d’utiliser les sons et la musique en thérapie sont très nombreuses. Nous nous limiterons ici à des pratiques facilement transposables dans de nombreuses formes d’accompagnement.

La musique

Dans la salle d’attente, déjà, vous pouvez induire certaines humeurs en choisissant une musique appropriée.

Dans votre cabinet de thérapie vous pouvez aussi passer une petite musique de fond, propice à ce que vous souhaitez travailler avec la personne. La musique calme n’est pas une règle, vous pouvez aussi proposer une musique plus énergique pour travailler l’assertivité, la mise en mouvement, l’expression de la colère.

Une façon très agréable pour le praticien et le patient d’utiliser le support musical est de demander au patient de faire une sélection de 45 minutes de musique qui représente son parcours de vie ou sa relation particulière avec un événement plus précis de sa vie.

Vous pouvez demander au patient d’apporter une chanson ou une musique particulière qui exprime son ressenti par rapport à sa problématique et utiliser cette piste audio pour explorer plus en profondeur celui-ci.

Vous pouvez aussi demander au patient de trouver une chanson ou une musique qui représente ce qu’il ressentirait quand il n’aurait plus besoin que vous l’aidiez et développer, à travers le ressenti, les ressources nécessaires pour arriver à cela.

Si vos patients sont musiciens eux-mêmes, proposez-leur d’écrire ou de vous jouer un morceau qui représente ce qu’ils vivent actuellement. Puis, proposez de changer le rythme, sans changer les notes, pour décrire ce qu’ils souhaiteraient.

Si vous avez des patients ouverts aux pratiques non-verbales, vous pouvez également leur proposer de symboliser à travers le corps et le mouvement les différentes transformations du ressenti sur la musique de leur choix. C’est bien de la danse, mais ne parlez pas de danser car la plupart des gens s’inhibent lorsque le mot “danse” est prononcé. Sans devoir mobiliser tout le corps, le patient peut utiliser uniquement ses mains et ses bras, ou encore tout le haut du corps, c’est-à-dire les zones corporelles les plus souvent entraînées à la communication non-verbale.

Pour ceux qui souhaite approfondir la musique comme outil d’accompagnement dans le processus thérapeutique, nous recommandons les travaux de Helen Bonny, sur l’imagerie guidée et la musique (GIM).

D’autres approches utilisent aussi la musique comme vecteur d’approfondissement émotionnel, comme la technique de respiration holotropique de Stanislav Grof, co-fondateur de la thérapie transpersonnelle. Cette pratique est beaucoup moins douce que celle de Bonny et nécessite un accompagnement professionnel. Ne vous y lancez pas si vous n’êtes pas à l’aise avec les manifestations émotionnelles « théâtrales ».

La manifestation théâtrale des émotions n’est pas un critère de qualité ou de profondeur du travail émotionnel. Une certaine activation émotionnelle est nécessaire pour s’assurer que les émotions soient bien activées, mais ne cherchez pas à ce que vos patients soient pris de convulsions et aient la mousse à la bouche. Franchement, ce n’est pas nécessaire.

Le son de la voix

La voix est un instrument de musique très polyvalent. Les sons que la personne produit peuvent être utilisés comme un moyen alternatif au langage pour explorer son vécu intérieur.

En ACT, on propose parfois de prendre une voix de dessin animé pour pratiquer la défusion par rapport à certaines pensées. Ici, nous allons utiliser uniquement la prosodie pour communiquer, c’est-à-dire que nous allons dégager le discours de tous les mots compréhensibles et n’utiliser que les inflexions, les tonalités, le rythme, l’accent et d’autres modulations que nous utilisons habituellement pour accompagner notre discours.

L’idée qui sous-tend cette pratique est de revenir à une expression plus fine et contextualisée des émotions, comme si notre histoire était une musique particulière, comme si notre voix était l’instrument qui raconte cette histoire, sans avoir besoin de mot. Il n’est pas nécessaire d’adopter une voix “pleine” et de déployer toute la puissance de la voix dans le cabinet. Cet exercice est destiné uniquement à maximiser le contact avec le vécu émotionnel. Si d’autres fonctions antagonistes à cet objectif se manifestent, ne poursuivez pas plus loin pour cette fois.

Pour les plus audacieux, il est possible de mettre le corps et la voix en mouvement, comme dans les exercices de théâtre.

CONCLUSION

Quelle que soit la façon dont vous allez utiliser les sons et la musique, la façon d’exploiter cette forme de communication est de partir du corps et de ce qu’il ressent pour aller, ensuite seulement, vers plus d’élaboration cognitive, voire d’extraire des valeurs importantes pour la personne.

Bonus : Le processus d’Imagerie Guidée et Musique (GIM)

Nous ne souhaitions pas vous laisser sur votre faim. Voici un petit résumé du processus de Helen Bonny. 

L’intervention en imagerie guidée et musique utilise des présélections musicales, principalement des musiques du registre classique, comme un guide ou un facilitateur pour évoquer des réponses émotionnelles chez la personne qui les écoute. Ces réponses peuvent prendre différentes formes : des images, des symboles, des sensations, des souvenirs, des sentiments, des métaphores ou encore ce que Bonny appelle des expériences transformatives, qui sont le coeur des sessions psychothérapeutiques.

Le processus formalisé par Bonny comprend cinq grandes étapes : le prélude, la relaxation, le thème, la session d’imagerie/musique et le postlude.

Prélude

Cette partie est ce que vous faites habituellement lors des premiers rendez-vous : Rencontrer la personne, développer son histoire de vie, savoir pourquoi elle vient vous voir, quels sont ses objectifs thérapeutiques. Rien de bien sorcier en soi.

Relaxation

Au cours de cette phase, l’accompagnant induit un état de relaxation chez le patient à l’aide d’outils qu’il maîtrise. Au choix, vous pouvez utiliser des exercices de respiration ou encore la procédure de relaxation progressive de Jacobsen. L’objectif est de préparer le patient au “voyage” en diminuant ses réponses kinesthésiques et en favorisant un état de conscience ouvert et profond, centré sur les perceptions auditives et visuelles, diminuer la tendance à “réfléchir” à propos de l’expérience et d’habituer le patient à la voix de l’accompagnant.

Le thème

Une situation, une image un endroit est pris comme point de départ. La musique est choisie en fonction du parcours thérapeutique le plus cohérent par rapport aux objectifs thérapeutiques du patient. Cette façon de faire permet de rendre le “voyage” adapté aux besoins du patient qui va auto-générer son scénario. 

La session d’imagerie/musique

Nous sommes ici au coeur du processus. L’accompagnant se tient près du patient. Le patient décrit verbalement les images qui viennent à lui au fur et à mesure que la musique se déroule. Le rôle de l’accompagnant est de faciliter le processus et permettre aux images et aux expériences de continuer à se déployer. Ni plus, ni moins. En tout cas dans l’approche de Bonny. Ici, le thérapeute ne fait que suivre le patient et est là pour aider celui-ci à détourner les blocages éventuels.

En ACT, il y a très peu de règles si ce n’est d’adapter ses procédures de façon à être le plus utile au patient. Donc si vous sentez qu’il y a un blocage, ne foncez pas tout de suite dans une solution. Attendez. Faites confiance au processus. Si ce blocage se répète de séance en séance, alors adoptez une posture un peu plus suggestive lorsque vous approchez du blocage, pour permettre de passer celui-ci, puis redonner la main au patient. Discutez-en avec lui avant, de façon à ce qu’il garde une totale maîtrise du processus et que lorsque le blocage arrive, il vous passe délibérément le “volant” pour sauter cet obstacle. Il n’est pas inutile de répéter alors la scène au cours d’une séance suivante, en laissant le patient faire lui-même le passage difficile.

Postlude

Lorsque la musique arrive à la fin, l’accompagnant aide le patient à revenir à un état de conscience habituel. C’est également l’occasion de faire un récapitulatif de ce qui c’est passé pendant la session en revoyant en imagerie les différents moments de la séance, en insistant sur ce qui a été le plus important et en explorant les valeurs intimes du patient.

Remarque :

Vous pouvez trouver un ensemble de compilations spécialement dédié à cette approche au lien suivant

Le choix de la musique est important. Il n’y a pas de musique prédéterminée à telle difficulté. Cela va dépendre de la sensibilité du patient et de ces besoins spécifiques pour la séance. D’une séance à l’autre, la musique peut donc changer pour un même thème. Le choix de la musique est un art plus qu’un protocole et nécessite une large connaissance du répertoire musical existant pour pouvoir coller au mieux au patient.

Egide Altenloh
Suivez-moi