Le contextualisme fonctionnel | ACT Thérapie d’Acceptation et d’Engagement

 Le contextualisme fonctionnel représente en quelque sorte les fondements philosophiques de la thérapie comportementale contemporaine.

Le contextualisme est une branche de la philosophie contemporaine qui rassemble toute une série de théories mettant au centre de la compréhension d’un événement (un objet, un comportement, un mot ou un énoncé) l’étude de son contexte d’expression. La classe descriptive «événement» étant très large, nous nous limiterons, pour notre propos, au comportement.

Le contextualisme défend l’idée que l’étude du contexte est le seul moyen de comprendre un comportement. Un contexte est donc un ensemble de circonstances et de conditions qui entourent et déterminent tout comportement. Ces circonstances et conditions peuvent être spatiales, temporelles, situationnelles, personnelles, sociales, culturelles, écologiques, historiques, etc.

Le contexte est un système ouvert et dynamique : il ne peut être exhaustivement décrit et est constamment en mouvement. Les relations entre les objets au sein du contexte sont également dynamiques et leur propre existence participe à dynamiser le contexte. L’observation du contexte est également contextualisée : elle est relative à l’observateur et donc à son contexte personnel immédiat et historique. Tout cela parait sans doute compliqué, mais en fait, c’est extrêmement simple : Le contexte, le contenu et l’observation de ceux-ci s’influencent mutuellement. Imaginez un récipient ayant la forme d’un cône tronqué dont la partie tronqué est refermée et la base est ouverte. Si nous mettons des fleurs dedans, il devient un « vase ». Si nous y mettons de l’eau, une paille et des glaçons, il devient un « verre ». Sans que le récipient ait changé fondamentalement, notre perception de lui a changé en fonction des relations que nous tissons entre lui et son contenu. En fonction de la quantité d’eau qui sera présent dans le récipient, celui-ci sera qualifié de plein ou de vide. Si, dans son histoire, le récipient a accueilli récemment du sirop de grenadine, bien que la quantité d’eau soit plus importante que celle de grenadine nous l’appellerons alors « verre de grenadine » et non « verre d’eau ». Imaginez que vous soyez à présent dans un désert, assoiffé après trois jours de marche, vos gourdes sont vides. La perspective n’est pas réjouissante, c’est vrai, mais c’est pour l’exemple. Au loin apparait un touareg. Il se rapproche et vous tend un cône tronqué inversé rempli d’une eau aromatisée à la grenadine et des glaçons. Il y a de fortes chances pour que vous sortiez votre paille, non pas pour compléter le tableau, mais pour boire. Le verre, dans ce contexte précis, a revêtu des fonctions particulières qui ont évoqué un mouvement de rapprochement de votre part, qui l’on peut-être même rendu très attirant. Imaginez à présent, que vous soyez dans une forêt ardennaise, en plein mois d’octobre, sous une pluie intensive nommée « drache » par les autochtones. Au loin apparait un touareg. Il se rapproche et vous tend un cône tronqué inversé rempli d’une eau aromatisée à la grenadine et des glaçons. Passé la surprise de voir un touareg dans cet endroit, il est probable que le verre qu’il vous tende ne remplisse pas les mêmes fonctions que dans le désert. Pourtant c’est le même touareg, le même verre d’eau, la même grenadine. Pourquoi une telle différence ? A cause du contexte.

Selon Hayes, Strosahl et Wilson (1999) le contextualisme se caractérise par trois éléments fondamentaux :

  1. L’importance de prendre en compte l’ensemble de l’événement et non des unités séparées (par exemple, prendre en compte l’endroit où marche la personne qui marche et uniquement la personne qui marche) ;
  2. Une sensibilité au contexte dans la compréhension de la nature et de la fonction d’un événement (par exemple, le contexte va déterminer les fonctions que va revêtir le verre de grenadine) ;
  3. Un critère de vérité pragmatique où est considéré comme vrai ce qui permet de réaliser un objectif précis (par exemple, un touareg avec un verre de grenadine n’est pas toujours utile). Ce critère est relativement difficile à saisir dans la mesure où notre société tend à favoriser une conception ontologique, réaliste et figée de la vérité et non pragmatique comme celle du contextualisme fonctionnel.

Selon la perspective contextualiste, rien n’est bon ou mauvais en soi, seul compte l’aspect pragmatique de ce qu’on analyse : cela nous permet-il d’approcher notre objectif ou non ?

Il existe différentes sortes de contextualismes et celui qui nous intéresse est le contextualisme fonctionnel car il est directement relié au comportementalisme où la question de fonction du comportement est centrale dans l’analyse. Watson, dans son article fondateur (1913), identifie le fonctionnalisme comme l’ancrage philosophique de son comportementalisme. Ce qui distingue le contextualisme fonctionnel des autres formes de contextualismes est son rapport étroit aux buts.

L’analyse des buts permet d’appliquer le critère de vérité pragmatique. Sans but explicite, tout comportement suivi d’une conséquence est «vrai» par nature. Avec un but explicite, nous pouvons déterminer si nos actions vont dans ce sens ou non.

En thérapie par exemple, le but intégré du thérapeute est d’aider le client à prédire et influencer les événements qui l’impliquent (Hayes et al., 1999). Intégré renvoie au fait que toutes les actions sont orientées vers la réalisation de l’ensemble de cet objectif. L’influence fait référence à la notion de contrôle environnemental par la production de comportements fonctionnels, c’est-à-dire orientés vers un but, et non par une réduction du répertoire comportemental, c’est-à-dire de ne plus réaliser des comportements qui n’aident pas le client. La nuance est sensible mais tout à fait fondamentale : il s’agit de stimuler les comportements qui aident le client et non de réduire les comportements qui n’aident pas. Bien que, en pratique, l’un ne va pas sans l’autre. Il est parfois nécessaire d’avoir comme objectif thérapeutique la réduction de comportements non fonctionnels comme les comportements suicidaires.

Pour illustrer le contextualisme fonctionnel : imaginez un marteau. Lorsqu’on utilise le marteau et qu’on lève le manche, la tête métallique de celui-ci tombe. On pourrait penser que le marteau est cassé ou bien qu’il est usé ? Ce marteau est-il «dysfonctionnnel» ? Ne remplit-il pas SA mission ? Oui, dans un contexte comme celui où l’on souhaite enfoncer un clou, ce marteau n’est pas optimal. Mais qu’en est-il dans les contextes suivants : faire une blague à un ami, simuler un accident de travail, une exposition d’outils cassés, une classe de bricolage où l’on apprend les différentes parties de l’outil … Dans cet ensemble de contextes, le marteau est efficace et sert avantageusement le but poursuivi. Demandez donc à Claude François, il vous dira tout ce qu’il y a moyen de faire avec un marteau. Ok, c’est nul, mais ça me fait rire.

Le contextualisme fonctionnel analyse les situations de cette façon : il regarde comment les choses fonctionnent dans des contextes spécifiques. Selon le contextualisme fonctionnel, aucune pensée, émotion, souvenir, comportement n’est problématique, dysfonctionnel ou pathologique en soit, tout dépend du contexte et de la fonction qu’elle/il y occupe au moment où elle/il y apparait.

Egide Altenloh
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