Personne n’aime les conflits. Personne n’aime les émotions désagréables. Personne n’aime se remémorer des souvenirs pénibles. C’est ainsi que nous sommes tous conçus. Dans ce type de situations, certaines personnes se laissent embarquer par le fleuve des émotions qui se déversent en elles, d’autres coupent le circuit et disparaissent mentalement ou prennent une posture froide et détachée et d’autres encore se recouvrent d’une protection personnelle cousue-main au fil de leurs mésaventures.
Ce que j’aimerais aborder avec vous aujourd’hui est le mur mental ou le mur psychologique.
Un mur peut autant protéger des envahisseurs extérieurs, à l’image de la Grande Muraille, que nous enfermer dans une prison, nous empêchant de sortir ou de nous relier à ce qui se trouve à l’extérieur de nous.
Le premier, la Grande Muraille, est bien entendu très utile dans de nombreuses situations, qu’elles soient sociales (conflits, critiques, disputes), environnementales (passer à travers un paysage désolé et/ou ravagé par l’homme ou la nature), sensorielles (se trouver dans un endroit surstimulant), ou cognitif (être assailli.e par des pensées destructrices).
Il faut l’avouer, pouvoir poser une Grande Muraille de temps en temps est soulageant et, bien que mentalement très énergivore, elle permet de tenir le temps de sortir de la situation.
Cependant, si on n’y prend pas garde et qu’on a recours trop souvent cette muraille, de fois en fois, quelques pierres restent ici et là et finissent, avec le temps, par devenir les fondations d’une prison aux murs épais, sans porte ni fenêtre.
Se laisser traverser par les émotions et les ressentis est vital pour tracer une vie qui nous corresponde. Et certaines émotions très douloureuses sont réellement nécessaires pour avancer sur ce chemin.
Encore une fois, la nuance et la mesure sont le maître-mot dans l’utilisation de la « Grande Muraille » afin d’éviter de nous retrouver enfermé malgré nous dans notre propre prison. Cet article n’aborde pas la façon de se sortir de sa prison mentale. Mais ce sujet très intéressant pourrait sans doute être développé dans un futur billet.
Les précautions d’usage étant posées, nous pouvons à présent passer à la partie pratique de ce billet : comment procéder ?
Plusieurs techniques de mur mental existent, l’utilisation de l’une ou l’autre dépendra des situations dont nous souhaitons nous protéger.
Situation sociale conflictuelle
En situation sociale conflictuelle, le docteur Roger Henderson propose de visualiser un mur de brique translucide, que vous pouvez voir entre vous et la personne avec laquelle le conflit se manifeste. Bien entendu, vous êtes la seule personne à voir le mur. Les mots de l’autre sont dans l’incapacité de venir vous agresser. Le mur vous protège en absorbant tout abus ou langage agressif, vous permettant de répondre à ce qui est dit avec plus calme et d’objectivité.
Ce mur vous permet de garder l’autre à bonne distance mentale de vous, et de maintenir un pied en dehors de vos émotions : visualiser un mur demande beaucoup de ressources attentionnelles.
Lorsque la situation prend fin, vous pouvez mentalement enrouler le mur sur lui-même et le jeter, lui et tous les mots abusifs qu’il a absorbés.
Situation environnementale critique
Si vous êtes comme moi, sensible à votre environnement, à la nature et à l’empreinte pas toujours respectueuse de l’Homme sur celle-ci, je vous suggère d’utiliser la méthode de mur mental suivante.
Évidemment, la première fois que vous traversez la zone dévastée, laissez-vous aller à vos sentiments. Ceux-ci sont des motivants fondamentaux dans le changement comportemental (le vôtre) et vu l’état de notre planète et la réticence au changement qui caractérise si bien l’Humain, avoir un petit coup de pouce est toujours le bienvenu.
J’ai commencé à recourir à cette technique il y a longtemps, principalement en lien avec les destructions humaines de la nature. Il s’agit de laisser simplement la tristesse se manifester, à bas bruit, en douceur. C’est ce que j’appelle la tristesse compassionnelle. Elle est présente mais pas envahissante, authentique et douce en même temps. Il s’agit plus d’un mur émotionnel car ici on mobilise une émotion pour occuper le terrain et empêcher d’autres émotions plus douloureuses de se manifester.
L’intérêt de cette méthode est qu’elle ne nie pas votre sensibilité ni ne vous déresponsabilise en tant que membre de la communauté humaine.
J’ai eu recours à cette méthode également lors des inondations qui ont ravagé ma région cet été 2021. J’y ai pensé lorsque j’ai du m’arrêter au bord de la route, incapable de continuer à conduire tant les larmes et les émotions me troublaient la vue et perturbaient mes réflexes.
Situations surstimulantes
Dans les situations surstimulantes, une méthode de mur mental bien rodée est la technique de l’armure de lumière. Il s’agit d’une petite méditation de 3 minutes permettant de se draper mentalement d’une lumière indestructible et impénétrable. Je la conseille à tous les hypersensibles que j’ai dans mes groupes.
Comme toute méditation, vous commencez par vous calmer et vous centrer pendant le temps nécessaire pour trouver de l’apaisement et de la stabilité.
Lorsque vous atteignez cet état, ce qui peut prendre plus ou moins de temps en fonction de votre niveau d’activation, commencez à visualiser une lumière blanche qui parcours et recouvre tout votre corps. Chaque centimètre carré de votre corps est recouvert par cette lumière blanche. Vous pouvez remarquer la solidité de cette lumière qui vous recouvre telle une armure. Cette armure est indestructible. Rien ne peut la pénétrer ni l’altérer. Toutes les énergies négatives rebondissent dessus sans vous toucher.
Dites en vous-même plusieurs fois « je suis en sécurité et protégé.e ». Quand vous vous sentez prêt.e, ouvrez les yeux. Vous êtes à présent en sécurité et protégé.e.
Situations mentales envahissantes
Il arrive que ce soit votre mental qui vous joue des tours. Dans cette situation, vous pouvez utiliser une technique similaire au mur mental de Henderson, en mettant votre mental derrière un mur, en imaginant qu’il s’agit d’une personne tierce qui vous parle. Imaginez une tierce personne incarnant votre mental permet de prendre de la distance par rapport aux mots et phrases envahissantes de votre mental.
Certaines circonstances rendent le mental si fort que cette technique ne suffit pas. Dans ce cas, vous pouvez occuper le terrain des pensées par une pensée simple, comme un rond ou un carré, ou encore une image mentale de sécurité.
Le mur sensoriel
Vous pouvez également mettre en place un mur sensoriel. Les informations sensorielles fortes auront toujours le dessus sur les pensées. Évitez tout de même la scarification et les brûlures. Une douche froide, la danse de la flamme d’une bougie, un bout de chocolat (un bout seulement), une boisson chaude et pleine de saveur, le vent frais, un massage stimulant… sont autant de possibilités de mobiliser vos sens afin de tamiser vos pensées envahissantes. La seule chose à faire est de revenir à l’expérience de vos sens dès que votre mental se remet à parler.
Bonne route 🙂
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Article vraiment très intéressant et qui pose des mots simples sur des maux parfois complexes
Merci Cécile 🙂
Toujours aussi intéressant et si bien écrit merci
Merci Valérie 🙂
Excellent ! Merci de ces suggestions.
Mon pb est de parfois perdre patience… en ce moment, j’utilise les 4 phrases d’Ho’Oponopono silencieusement dans ma tête.
Afin d’éviter les dégâts potentiels de la perte de patience, je suggère généralement d’utiliser mentalement les deux phrases : « non pas maintenant » et « il n’y a pas d’urgence » afin de ne pas exploser et dire des choses que l’on regretterait ou, pire encore, qu’autrui utilisera contre nous par la suite. Par la suite, on peut toujours revenir sur le problème lorsqu’on est apaisé et donc en capacité de pouvoir faire passer un message qui aura plus de chance d’être entendu. Ho Oponopono est bien aussi 😉 mais plus compliqué à retenir.
Trés intéressant merci Egide ! J’aime bien cette façon de conceptualiser ce que beaucoup de nous ont appris dès l’enfance et souvent involontairement à ériger… Et surtout, rappeler qu’on l’enroule dès qu’on a en a plus besoin est essentiel… Il y aurait plein de choses à developper autour du mur sensoriel notamment avec les ados si tu as des références je suis preneuse, merci !
La meilleure des références sur l’approche des sens que je connaisse est dans le chapitre 3 de ce livre :p https://www.editions-harmattan.fr/livre-respire_je_bouge_donc_je_pense_egide_altenloh_gilles_favro-9782343237053-71080.html un petit coup de pub ne fait jamais de mal 😉
Ahah et ma résolution de ne plus acheter de nouveaux livres ? 😉
ce n’est pas une résolution mais un pieux mensonge
Merci Egide, chouettes outils à ajouter dans nos pratiques.
C’est avec plaisir 🙂
Un grand merci pour votre article fort intéressant.
J’écris des poèmes en rapport de ce que je vis et ces jours-ci, ayant eu une réflexion sur le fait de dresser un mur dans le relationnel quand on se sent sous pression, manipulé, et que l’on veut se protéger, j’ai cherché à lire sur le sujet et je me suis rendue compte que l’on parlait beaucoup de maçonneries et très peu du Mur Mental.
Ainsi, en lisant votre article, j’en comprendrai mieux le concept.
Cordialement,