Hier encore, une jeune maman complètement désespérée, fatiguée, au bord de l’effondrement psychologique et physique, a partagé son mal-être dans mon groupe de gestion de la colère. Ce n’est pas la première fois que ces mamans au bord de l’implosion trouvent refuge dans le groupe, y trouvent une écoute, un soutien authentique et des conseils de parents ayant survécus aux premières années de leur parentalité.
Les problèmes sont souvent les mêmes :
- Peu ou pas de soutien,
- Pas de place en garderie,
- Sommeil chaotique,
- Épuisement,
- Désespoir, pensées noires, élaboration de plans fictifs de maltraitance,
- Estime de soi disparue par évaporation ou combustion spontanée,
- Et j’en passe…
Les plaintes sont souvent les mêmes :
- Comment prendre soin de moi si bébé pleure dans mes bras ?
- Comment prendre soin de moi si je ne peux m’extraire de la présence de bébé ?
- Comment m’en sortir vivant.e sans tuer ou alcooliser mon bébé ? (Oui, il n’y a pas de tabou dans les groupes)
- Je suis tellement épuisée que je n’arrive plus à réfléchir…
L’insatisfaction concernant les conseils est souvent la même :
- Mon mari est tout aussi impliqué que moi et dans le même état, on est au max dans le partage des taches parentales… on fait quoi ?
- Sortir en forêt, faire de la méditation, pratiquer la compassion pour soi impliquent du temps ou bébé n’est pas là… ce qui n’est pas possible dans notre situation.
- Les conseils bateaux, la parentalité positive, les conseils des pros sont impraticables dans notre situation.
Une impression de se trouver coincé, sans recours, sans solution, dans un état de fatigue inhumain, avec le profond sentiment que personne ne comprend ni n’entend l’abyssalité de notre désespoir.
Accepter. C’est souvent le premier mot balancer comme une solution à tous les maux. OK, mais que faire quand on est arrivé à un tel point dévastation que nous ne tolérons plus quoi que ce soit, que nous ne supportons plus le moindre écart, lorsque notre capacité à dépasser la plus infime frustration est réduite à néant ?
Le paquet est déposé. Vas-y Egide, trouve-moi une solution.
Cela suit, à peu de choses près, toujours un schéma similaire.
Cela génère en moi toujours le même sentiment : une profonde empathie, de la tristesse en face d’une telle détresse et un profond sentiment de vouloir alléger une souffrance si palpable.
Cet article n’a pas d’autre ambition que de donner une stratégie pratique de premiers secours parentales en situation désespérée. Il ne remplacera pas un suivi personnalisé, mais, je l’espère, vous donnera des trucs simples et applicables vous permettant à vous et à bébé de survivre le temps de trouver une personne compétente qui ira plus loin que les conseils de BO bobos que l’on trouve en masse sur le web. Chaque situation étant différente et nécessitant une intervention personnalisée, je pars de la situation la plus tendue : vous êtes seul.e avec bébé, sans possibilité de le déposer quelque part ou de passer le relais, et vous sentez que vous allez craquer…
La Règle Absolue : Ne pas nuire
Cela parait évident dit comme cela, mais en situation de guerre, sous un déluge de cris et de pleurs, lorsque l’on arrive au bout de notre patience, notre corps identifie notre progéniture comme un agresseur bien réel et active notre réaction instinctive de protection ultime : la colère et l’agressivité.
Ce n’est pas pour rien que plusieurs mamans au bout de leur vie arrivent dans les groupes de gestion de la colère.
Ce n’est pas anodin quand on connait les conséquences dramatiques du syndrome du bébé secoué. Le nombre de cas dans les pays occidentaux n’est pas simple à déterminer, mais varie entre 11 et 54 cas pour 100 000 naissances.
Bébé secoué – Public – Office de la naissance et de l’enfance (one.be)
Donc, le tout premier réflexe à avoir est de fuir votre colère comme la peste. Comment fait-on cela ?
1 – Mettre bébé en sécurité
Lorsque vous êtes sur le point de craquer, arrêtez tout et avec les miettes de contrôle qu’il vous reste, mettez, en douceur bébé dans le parc ou dans son lit, puis sortez de la pièce. Peu importe qu’il soit encore mouillé du bain ou que vous n’ayez pas eu le temps de remettre son lange ou qu’il ait encore les fesses inondées de diarrhée.
Il y a urgence, la toute première chose à faire n’est pas de l’essuyer ou de le langer, mais de lui sauver la vie.
Le confort viendra ensuite.
2 – S’éloigner de bébé
La seconde chose à faire est de vous mettre vous-même en sécurité en sortant de la pièce. S’éloigner de la source de l’agression pour retrouver un semblant de calme est capital. Mais parfois, ce n’est pas suffisant, car bébé pleur, crie, hurle. Prévoyez un casque antibruit performant (de la marque 3M par exemple) afin de vous isoler sensoriellement du cauchemar sonore que provoque votre petit bout qui vogue entre détresse et colère. Vous devez vous en procurer un, et ce n’est pas négociable pour les raisons suivantes :
- Un casque est très facile à mettre même lorsque vous êtes au bord du précipice de la colère,
- Il se met sur les oreilles très rapidement,
- Il vous isole, sans vous couper totalement des cris de bébé, et crée un espace de calme relatif où vous retrouverez plus rapidement le contrôle, créant une sorte de distance acoustique entre vous et les stimuli qui vous agressent.
3 – Ventiler vos émotions
La troisième chose à faire, optionnellement, si vous en ressentez le besoin, est de permettre à votre trop-plein de sortir. Pleurez, criez dans un coussin, broyez une balle antistress entre vos doigts ou serrez le plus fort possible un biberon de bébé. Lorsqu’on en est à ce point de détresse émotionnelle (oui, la colère peut être une forme de détresse émotionnelle), le retour au calme est facilité par l’expression émotionnelle. Ne vous blessez pas et évitez de casser des objets, vos poings, les portes ou les murs. Vous avez déjà une assez mauvaise opinion de vous-même d’avoir ainsi craqué que pour en ajouter une couche. Donc si vous avez besoin de sortir votre émotion, adoptez des stratégies non destructrices.
4 – Respirer
Certaines stratégies respiratoires sont particulièrement efficaces pour diminuer votre niveau d’activation et vous permettre de retrouver votre calme. Vous pouvez utiliser des applications comme RESPIRELAX+ qui proposent gratuitement différentes stratégies respiratoires très efficaces (utilisez le mode « RELAXER » dans ce cas-ci).
5 – Revenir
Lorsque vous êtes plus calme, revenez prendre soin de votre petit bout. Revenez dans la pièce avec votre casque afin de garder cette distance acoustique entre vous et bébé. Préparez-vous, car il y a de fortes chances que bébé soit particulièrement activé lui aussi.
6 – Réfléchir
Lorsque bébé est apaisé, il est grand temps pour vous de réfléchir à des pistes concrètes pour retrouver votre tolérance et votre maitrise de vous-même.
Listez dans un premier temps les conditions environnementales qui devraient être changées pour vous permettre d’avoir des temps ou des endroits de replis pour récupérer.
Listez ensuite vos conditions psychologiques ou corporelles qui nécessitent d’être prise en charge pour retrouver un peu de santé.
Les deuils, les séparations, les éloignements des amis, la perte de vos activités bien-être ou de vos hobbies… Certaines choses peuvent être prises en charge facilement, d’autres nécessitent à tout le moins d’être reconnues.
La priorité pour vous : le repos
Cependant, prendre du temps pour soi n’est pas toujours une option immédiatement applicable pour de nombreuses raisons pratiques. Mais il y a bien une chose à faire, et s’il n’y avait qu’une seule chose à faire ce serait celle-là : veillez à votre repos, votre sommeil comme à votre bien le plus précieux.
Bébé se réveille en pleine nuit, parfois vous tire de votre lit toutes les 30 minutes. Votre repos ne se fera plus comme vous en aviez l’habitude : c’est fini les nuits complètes. Vous allez devoir broder avec 1h par-ci et 30 minutes par-là en journée. Veillez avec obsession à cet équilibre extrêmement fragile de vos moments de repos. Prenez ce qui vient quand ça vient. La survie de votre bébé dépend intégralement de votre survie, donc ne négligez pas ce qui est le plus important pour votre santé mentale et votre maitrise de vos émotions : le sommeil.
Chercher du soutien et de l’aide
La situation d’urgence passée, il est grand temps maintenant de vous dégager du temps pour souffler. Ce n’est ni une honte ni une faiblesse. Le mythe du super-parent qui gère tout, tout seul, est une croyance véhiculée à grande échelle dans notre monde faisant la part belle à l’individualisme, à la performance et à la compétition. Cependant, depuis des milliers d’années et bien avant encore, les enfants n’étaient pas gérés exclusivement par les parents. La communauté, la famille, les voisins et d’autres groupes de parents se venaient en aide régulièrement. Il n’y a pas si longtemps que cela, c’était la règle et la norme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et c’est fort probablement un des facteurs qui expliquent l’augmentation de la détresse parentale de nos jours. Cela n’a rien à voir avec votre compétence en tant que parent. C’est un phénomène sociétal et non un manquement individuel.
Il existe des groupes de soutien, des haltes-garderies qui vous permettront de gagner une ou deux heures pour vous reposer ou aller à la piscine, des voisins bien plus disponibles pour vous aider que vous ne le pensez ou encore des groupes de parents solidaires dans votre région. Le premier pas pour prendre soin de vous sera de vous renseigner sur les possibilités qui existent autour de vous. Et d’y faire appel le plus rapidement possible.
N’attendez pas qu’il soit trop tard.
Je suis en train de réfléchir sérieusement à la possibilité de faire un groupe autour du BO parental. Le plan n’est pas très compliqué : un moment de partage et de soutien mutuel et de l’entrainement/réflexion/mise en place sur des thèmes comme la régulation des émotions, les stratégies d’urgence, les besoins, les limites, les ressources, les croyances sur soi et l’éducation et enfin renouer avec soi-même.
Cependant, étant moi-même parent et ayant besoin de temps de repos, je ne me lancerai que s’il y a une demande concrète. Laissez-moi un petit commentaire ou écrivez-moi à egide@psyris.be pour me faire part de votre intérêt pour l’organisation d’un tel groupe.
Bises et bon mois de janvier 😊
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