Gestion de la colère et de la frustration dans le couple

 

La colère est une émotion humaine naturelle et normale qui tend à se manifester dans toute relation, même si elle n’est pas dirigée contre la personne à qui elle s’adresse. Malheureusement, la colère se manifeste souvent dans nos interactions avec les personnes que nous aimons le plus, y compris nos partenaires de vie.

Vivre une relation passionnelle n’est pas un passe droit pour que la colère s’exprime de manière incontrôlable. La gestion de la colère et de votre réaction face à un partenaire en colère est une compétence essentielle qui peut favoriser l’intimité et la maturité dans toute relation amoureuse.

En tant que thérapeute, j’invite souvent mes patients à réfléchir à la façon dont leur réactivité dans une relation les empêche d’être ce qu’ils veulent être vraiment en tant que partenaire. Souvent, nous nous fermons, nous nous plaignons à nos amis ou à notre thérapeute ou encore nous essayons de contrôler notre partenaire pour apaiser notre colère. Si ces stratégies peuvent nous soulager sur le moment, elles sont rarement efficaces à long terme.

Examinons six stratégies simples pour gérer la colère et accroître la maturité de votre relation.

Prenez le temps de réfléchir sans couper les ponts

Lorsqu’une dispute éclate dans un couple, l’un des partenaires peut parfois avoir envie de claquer la porte et de couper toutes communications (une sorte de roi du silence, mais en version “je fais la gueule”). Le silence peut vous calmer temporairement, mais il risque d’accroître l’anxiété ou la colère de votre partenaire.

Cela ne signifie pas que vous devez vous asseoir et résoudre un problème dans le feu de l’action. Ce serait même la pire des idées à avoir. Cependant, au lieu de sortir rapidement de la pièce et de tester la solidité des portes sur votre passage, pensez à dire à votre partenaire que vous avez besoin d’un peu de temps pour vous calmer et mettre de l’ordre dans vos idées. Faites-lui savoir qu’il est important pour vous d’aplanir vos divergences et qu’après votre balade méditative, vous reviendrez vers lui.

Si votre partenaire a tendance à ne plus vous parler lorsque vous avez oublié un anniversaire ou que vous n’avez pas dîner avec ses parents, vous ressentez probablement  de l’anxiété en ne sachant pas ce qu’il ressent. Vous ne pouvez pas l’obliger à vous parler, mais vous pouvez lui dire que vous êtes disponible pour en discuter lorsqu’il sera prêt. Essayer de le contraindre ou de le menacer pour qu’il se réconcilie rapidement risque de se retourner contre vous et de le pousser à se couper encore plus de vous.

Important : évitez absolument de le poursuivre s’il décide de prendre un peu l’air. Si votre partenaire est en colère et qu’il quitte la pièce, laissez-le faire. En le poursuivant vous ne faites qu’attiser sa colère et cette réaction de fuite est salutaire : elle permet de diminuer son niveau d’activation. En le poursuivant, vous ne ferez qu’augmenter un risque de comportement agressif de sa part, tout comme un animal en fuite que vous bloquer dans un coin. À un moment, il se retournera et attaquera.

Gérez vous vous-même (et non votre partenaire)

Lorsque quelqu’un que nous aimons est en colère contre nous, nous nous sentons souvent obligés de l’apaiser et de le calmer aussi vite que possible. Mais en fin de compte, nous ne pouvons pas contrôler les pensées, les comportements ou les émotions de qui que ce soit – nous sommes seulement capable de gérer les nôtres.

Il est beaucoup plus efficace de se calmer soi-même que d’essayer de calmer quelqu’un d’autre, et les personnes qui peuvent se concentrer sur la gestion de leur propre anxiété et de leurs réactions donnent à l’autre l’espace nécessaire pour faire de même. Ainsi, au lieu de dire « Calme-toi, s’il te plaît ! », essayez de prendre quelques respirations profondes et de ralentir votre rythme cardiaque.

De même, si vous êtes en colère contre votre partenaire et que vous souhaitez qu’il modifie un comportement, sachez que tenter de le contrôler risque de produire la réaction inverse. Par contre,  vous pouvez partager votre point de vue dans l’espoir d’être entendu, et non de culpabiliser.

Rappelez-vous qu’il est peu probable que vous soyez entendu si vos paroles et vos comportements provoquent une réaction de peur ou de colère chez votre partenaire. Vous pouvez ressentir le besoin impérieux de lui envoyer un message  lorsqu’il est au travail ou de le réveiller au milieu de la nuit pour lui faire part de vos griefs, mais ces stratégies ne font qu’envenimer le conflit.

Eviter la triangulation

Lorsque vous êtes furieux ou énervé contre votre partenaire, il peut être tentant de vous plaindre à un ami, à votre enfant (ce qui n’est pas son rôle) ou même à votre thérapeute. Lorsque nous utilisons une tierce personne pour gérer notre stress à l’égard d’une autre personne, on parle alors de partage social d’une émotion. Il est tout à fait humain de vouloir se décharger et ce n’est pas un mal. Ce partage social permet de traiter cette émotion, de décharger son inconfort sur d’autres épaules. Cependant, ce soulagement temporaire peut nous empêcher de résoudre le problème dans la relation initiale, et il peut donner à votre partenaire un sentiment d’isolement, voire le mettre davantage sur la défensive.

La prochaine fois que vous serez fâché contre votre conjoint et que vous serez tenté de décrocher le téléphone, posez-vous la question suivante : « Est-ce que je demande de l’aide ou est-ce que je cherche simplement à ce que quelqu’un me donne raison ?” Si c’est le cas, essayez de vous calmer. Et bien qu’il n’y ait rien de mal à partager un conflit relationnel avec votre thérapeute, sachez que son rôle est d’être neutre et de vous aider à réfléchir au mieux, et non pas d’être d’accord avec vous pour dire que votre partenaire est le méchant de l’histoire.

Prendre de la hauteur

En tant qu’individus, certains sujets sont susceptibles de déclencher une réaction de colère ou d’anxiété pouvant conduire à un conflit. Il s’agit souvent de sujets tels que l’argent, la politique, la religion, le sexe, l’éducation des enfants ou les drames familiaux. Il est facile de supposer que le fait d’avoir des opinions différentes peut déclencher de la colère et des conflits, mais le plus souvent, ce sont nos réactions impulsives à ces sujets plutôt que nos opinions réelles qui sont en cause.

Plutôt que de chercher à résoudre les conflits le plus rapidement possible, il faut donc s’efforcer de réagir avec le plus de sagesse possible. Cela ne signifie pas que vous devez supporter les abus ou l’infidélité d’un partenaire, ni même que vous devez rester dans une relation. La sagesse consiste simplement à ne pas laisser ses émotions prendre le dessus, à prendre la distance nécessaire permettant d’incarner la meilleure version de vous-même, en toute dignité, humilité et respect de la dignité de l’autre. Elle consiste à se demander : « Quelle est la meilleure version de moi-même dans cette situation ? » Il est peu probable que vous voyiez la meilleure version de vous-même claquer des portes ou crier après les personnes que vous aimez.

Si vous vous sentez dépassé par l’intensité de la colère dans votre relation amoureuse, rappelez-vous que vous ne représentez que 50 % de l’équation. Si vous êtes plus calme et plus serein, votre relation sera plus calme et plus sereine. Peut-être votre partenaire atteindra-t-il le même niveau de maturité, ou peut-être vous rendrez-vous compte que la relation ne vous convient pas. Quoi qu’il en soit, vous choisirez de ne pas laisser la colère prendre le dessus. Lorsqu’une personne peut faire ce choix pour elle-même, elle est susceptible de trouver un partenaire qui pourra en faire tout autant.

Approcher l’autre autrement

La colère est une émotion d’approche, au même titre que la curiosité, la joie ou l’amour (qui est une émotion complexe). Il est possible dès lors d’approcher l’autre, mais en modifiant quelques paramètres, comme les patterns comportementaux : danser avec votre partenaire. Le pattern motivationnel dans le cerveau reste le même, mais l’expression de celui-ci est différente et bien moins délétère pour votre couple.

De même, lorsque votre partenaire est en colère, approchez-vous de lui et invitez-le à vous prendre tendrement dans ses bras. Cela vous permettra de court-circuiter la dynamique d’escalade émotionnelle. Cela permettra à votre partenaire de se calmer plus rapidement. Et finalement, vous crérez ainsi un moment et un espace qui, lorsque vous et votre partenaire serez plus calme, sera propice à aplanir les divergences qui vous oppose et trouver des solutions alternatives qui respectent les sensibilités et les besoins de chacun.

Cette technique nécessite d’être abordée avant un épisode de colère afin que l’un comme l’autre puisse se rappeler que c’est pour mieux aborder le problème qui a émergé entre vous.

Une feuille de papier

Inspiré des techniques de la thérapie d’impact, une simple feuille de papier permet de se rendre compte de l’effet que nous avons sur l’autre ainsi que d’évaluer l’efficacité d’une discussion autour d’un différent.

Lorsque vous êtes en colère, vous dites et faites un nombre incalculable de choses qui « froissent » la personne que vous aimez. Après la dispute, prenez chacun une feuille de papier et froissez là de façon à montrer l’impact que vos échanges ont eu sur vous. Puis, tentez de la remettre le plus lisse possible. Vous vous rendez alors mutuellement compte des effets destructeurs de la colère dans votre relation. Les mots sont tout aussi destructeurs que les gestes dans les relations… et il est très difficile d’effacer ces effets, tout comme il est difficile voire impossible de rendre une feuille aussi lisse qu’elle était avant d’être froissée.

Lorsqu’une discussion plus apaisée se termine, faites le point sur la part du problème qui selon vous a été réglée par cette discussion en déchirant la proportion du problème qui selon vous est réglée. Cela donnera une perception visuelle concrète de l’état de chacun après la discussion.

Puis, elle peut aussi servir de souffre douleur : chiffonner, déchirer et piétiner la feuille de papier au lieu de dire et faire des choses que vous pourriez regretter.

Les dangers de la colère pour la relation de couple

La colère est une émotion puissante qui peut devenir nuisible lorsqu’elle n’est pas exprimée de manière saine. Dans les relations en particulier, une colère incontrôlée peut être dévastatrice.

Les relations affectives saines reposent sur une communication saine, des limites, des contrats, le respect et le soutien mutuel. Lorsque la colère est exprimée de manière incontrôlée et délétère, elle détruit ces fondations. Elle peut faire ressentir aux proches un sentiment d’insécurité et leur causer des dommages émotionnels à long terme. Elle peut également entraîner une rupture de la communication.

L’inondation émotionnelle peut se produire lorsque la colère prend le contrôle d’une situation, et elle peut entraîner des erreurs de jugement, la personne perdant souvent de vue ce qui l’a mise en colère en premier lieu. Ce flot d’émotions peut maintenir une personne en mode « attaque », constamment sur la défensive. Dans une relation où il n’y a pas de communication productive et où les gens ne se sentent pas en sécurité, la confiance est perdue. Les partenaires perdent petit à petit espoir dans la relation. En fin de compte, la relation échoue.

Quand la colère devient maltraitance…

La maltraitance englobe toute action qui cause intentionnellement du tort ou des blessures à une autre personne, que ce soit sur le plan physique, psychologique ou émotionnel. Souvent, lorsqu’une personne est maltraitante, c’est qu’elle a été maltraitée à un moment donné de sa vie ou qu’elle ne se sent pas en mesure de contrôler sa propre vie. Cependant, si les comportements maltraitants peuvent avoir de nombreuses origines et ne sont pas toujours intentionnels, ils ne sont jamais excusables.

Parce qu’elle est une émotion si puissante, la colère est souvent utilisée pour alimenter (et ensuite excuser) la violence, et les victimes sont accusées d’avoir mis l’agresseur en colère. Ce n’est jamais la faute de la victime ; la violence n’est jamais justifiée ou méritée. Dans une relation saine où les partenaires s’aiment et se respectent, la colère ne doit jamais dégénérer en blessures intentionnelles.

Si vous vivez une relation dans laquelle vous avez l’impression que la colère est utilisée pour vous contrôler ou vous manipuler, vous êtes probablement déjà victime d’une forme de maltraitance. Le reconnaître est la première étape, et elle est rarement facile. Il existe des ressources disponibles pour vous aider à planifier votre départ en toute sécurité. Par exemple, il peut vous être conseillé de mettre en place ce type de plan :

  • Préparez un sac.
  • Assurez-vous qu’un ami ou un membre de votre famille en qui vous avez confiance est au courant de vos inquiétudes. Ayez un mot de passe ou un signal pour le cas où vous devriez leur dire d’intervenir.
  • Sachez où vous allez et comment vous y arriverez.
  • Assurez-vous que votre partenaire n’a pas accès à des armes à feu ou à d’autres objets pouvant être utilisés comme des armes.

Si la violence n’est pas physique, des conseillers, les assistants sociaux et des groupes de soutien peuvent vous aider à trouver les réponses dont vous avez besoin pour y voir plus clair et avoir le courage de vous en sortir.

Si la violence est physique, vous pouvez trouver de l’aide auprès de la police, du cabinet de votre médecin ou de l’hôpital, dans les refuges et auprès de la ligne téléphonique nationale d’urgence sur la violence domestique.

Rappelez-vous que vous ne méritez pas d’être traitée de la sorte. Un partenaire vraiment aimant n’essaiera pas de vous contrôler.

Le cycle de la colère dans le couple

Les relations saines reposent sur des bases qui incluent le soutien et le respect mutuels. La colère peut se transformer en un cercle vicieux si elle est exprimée d’une manière qui ne respecte pas ces principes de base.

Si votre partenaire exprime sa colère de manière agressive et destructrice, par exemple, vous pouvez avoir l’impression qu’on vous manque de respect et qu’on vous traite injustement. Vous pouvez également vous sentir blessé s’il vous insulte ou porte de fausses accusations. Cela peut faire germer du ressentiment et de la frustration, et c’est une réaction naturelle que de vouloir riposter.

Si vous, comme votre partenaire, n’êtes pas en mesure de réagir de manière à désamorcer la situation, vous réagirez très probablement de manière tout aussi agressive, voire plus agressive, et la spirale commencera. Si ce cycle néfaste se poursuit, il détruit les fondements de la relation et vous risquez de commencer à considérer votre partenaire comme un adversaire et non comme un allié.

Comment briser le cycle de la colère

Il peut être difficile de rompre le cycle de la colère dans une relation, surtout s’il dure depuis longtemps. Au moins une personne dans la relation doit prendre du recul et reconnaître le problème. Vous pouvez commencer par réévaluer la situation en adoptant un point de vue attentif, positif et empathique. L’objectif est de faire passer la communication d’un jeu de blâme perpétuel à des mots qui adhèrent aux fondements du respect et du soutien mutuels.

Un changement simple consiste à modifier votre façon de parler. Par exemple, essayez d’utiliser des phrases comme « J’aimerais avoir plus d’aide pour les tâches ménagères » au lieu de « Tu ne fais jamais rien ici ». Parlez de vos besoins et non de ses lacunes.

Lorsque la pression est relâchée dans une relation, les partenaires peuvent commencer à écouter les préoccupations de l’autre. Cela permet à chacun de se sentir écouté et compris plutôt que blâmé et attaqué. Cette pause peut donner à votre partenaire l’occasion de relâcher sa défense, de prendre du recul et de modifier son mode de communication. Cela peut à son tour faire basculer le cycle vers la réconciliation et le pardon. Vous constaterez souvent que votre relation se renforce et devient plus satisfaisante.

Trouver de l’aide

En Belgique nous avons un numéro d’urgence :

Ecoute violences conjugales   Tél 0800/30 030.

Il est possible que ce type de numéro soit aussi disponible dans votre pays.

Les thérapeutes de couple et les thérapeutes spécialisés en gestion de la colère peuvent vous aider à trouver des pistes nouvelles, à poser un regard différent sur vos difficultés et vous aider à prendre les décisions qui seront pour vous les plus adaptées.

Participer à un groupe de gestion de la colère peut aussi être une solution…

 

Photo de Thomas Kinto sur Unsplash

Egide Altenloh
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